Le Vert-Galant (DANCOURT)
Comédie en un acte.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain, le 18 décembre 1699.
Personnages
MONSIEUR JÉRÔME, teinturier
MADAME JÉRÔME
MONSIEUR TARIF, agioteur
MADAME TARIF
JAVOTTE, nièce de Monsieur Jérôme
ANGÉLIQUE, nièce de Monsieur Tarif
ÉRASTE, neveu de Monsieur Jérôme, officier de Dragons
LÉPINE, valet d’Éraste
MONSIEUR GASPARD, avocat, cousin de Monsieur Jérôme
MADAME CLOPINET, voisine de Monsieur Jérôme
CARMIN, garçon teinturier
UN LAQUAIS
La Scène est à Paris, chez Monsieur Jérôme.
Scène première
ÉRASTE, LÉPINE
LÉPINE.
Ma foi, Monsieur, c’est le meilleur parti que nous puissions prendre. Il ne fait point chercher d’auberges. Voilà deux quartiers d’hiver que nous avons passés à crédit dans cinq ou six hôtels garnis différents. On nous connaît, allons-nous-en planter le piquet chez l’oncle.
ÉRASTE.
Moi, Officier de Dragons, aller loger chez un teinturier, que l’on sait qui est mon oncle ! C’est à quoi je ne puis me résoudre, mon pauvre Lépine.
LÉPINE.
Mais nous arrivons sans argent, et presque sans ressource, que devenir ?
ÉRASTE.
Le hasard nous fournira quelque aventure favorable, dont il faudra tâcher de profiter.
LÉPINE.
Quelque aventure favorable ! Depuis que j’ai l’honneur de vous servir, ou à Paris, ou à la garnison, Monsieur, je ne vois pas que vous ayez eu de bonnes fortunes fort utiles. Vous êtes jeune, assez bien fait, hardi, entreprenant, et insolent même quelquefois : mais cela ne vous a encore menés qu’à la connaissance de quelques coquettes de frontière, et à deux ou trois mois de crédit, que nous avons attrapés par-ci par-là de vos hôtesses. Votre bourse, assez dégarnie, a achevé de se vider pendant la campagne ; votre linge s’est usé, vos galons d’or sont devenus de soie, et vos plumets sont fort sales. L’oncle les remettrait en couleur ; ce devrait être une raison déterminante que celle-là.
ÉRASTE.
Ne m’en parle point. Tu sais les vues qui m’amènent ici, cela rétablira mes affaires.
LÉPINE.
Quoi votre mariage avec cette jeune personne qui est la nièce de Monsieur Tarif l’usurier ! Ce sont là des vues bien éloignées, Monsieur.
ÉRASTE.
L’affaire est plus avancée que tu ne penses ; nous nous sommes envoyé mutuellement une promesse de mariage.
LÉPINE.
Ah ! Monsieur, vous n’y songez pas.
ÉRASTE.
Comment donc’ ?
LÉPINE.
Vous avez honte d’être le neveu d’un Teinturier, et vous voulez devenir celui d’un Agioteur ?
ÉRASTE.
Pourquoi non ? Je ne rougis point de ma famille : mais je n’ai que faire d’afficher qui je suis en allant demeurer chez Monsieur Jérôme. J’ai des mesures à garder avec cent Officiers de mes camarades.
LÉPINE.
Oui ! Oh bien, Monsieur, moi qui n’ai point de mesures à garder avec mes confrères les valets de chambre, et qui était garçon de Monsieur Jérôme, d’où vous m’avez débauche fort mal à propos, je vous dirai naturellement que je veux retourner à mon premier métier, et que j’aime mieux teindre et dégraisser les vieux habits du public, que de continuer à nettoyer les vôtres.
ÉRASTE.
Quoi tu veux me quitter, Lépine ?
LÉPINE.
C’est que vous ne pouvez me garder, Monsieur. Voilà la paix faite, vous serez réformé, vous quitterez le service malgré vous. Je le quitte moi-même, je me réforme, cela me paraît plus noble.
ÉRASTE.
Mais attends encore quelques jours du moins.
LÉPINE.
Hé bien soit, je vous donne la semaine. Je fais bien les choses, comme vous voyez. Mais voici votre oncle, voulez-vous que j’aborde le bonhomme ?
ÉRASTE.
Fais en sorte qu’il me prie de demeurer chez lui ; je n’y entrerai que les soirs du moins.
Scène II
JÉRÔME, ÉRASTE, LÉPINE, CARMIN
JÉRÔME.
Holà, ho, Carmin.
CARMIN.
Plaît-il, Monsieur ?
JÉRÔME.
Tout est-il prêt pour achever de teindre en vert ce meuble de damas ?
CARMIN.
Oui, Monsieur.
JÉRÔME.
On travaillera à cela demain matin. Je vais coucher ce soir à ma maison d’Anthony, et je serai ici demain à Soleil levant.
CARMIN.
Nous tiendrons tout prêt, Monsieur.
JÉRÔME.
Dites à Madame Jérôme que je ne pars pas tout à l’heure, et que je viendrai lui dire adieu.
CARMIN.
Oui, Monsieur.
LÉPINE.
Il parle de Madame Jérôme ; le bonhomme se serait-il ennuyé du veuvage pendant notre absence ?
Scène III
JÉRÔME, ÉRASTE, LÉPINE
JÉRÔME.
Voilà, je crois, ce pauvre diable de Lépine, et mon fripon de neveu qui me l’a débauché.
LÉPINE.
Oui, Monsieur, vous revoyez deux favoris de Mars de votre connaissance, échappés des dangers de la campagne.
JÉRÔME.
Ah, ah, ah, soyez les bien trouvés, Messieurs les favoris de Mars. Vous ne me paraissez pas être ceux de la fortune, et vous ne revenez pas de la guerre en bon équipage.
ÉRASTE.
Je suis confus, mon oncle, de paraître devant vous si négligé : mais l’impatience d’arriver à Paris m’a fait prendre la poste ; je n’ai eu que le temps de me débotter : pour vous venir rendre mes premiers devoirs.
LÉPINE.
Voilà un garçon bien revenu des premiers égarements de sa jeunesse, il vous aime à présent...
JÉRÔME.
Je l’ai toujours aimé, moi, quoique ce ne fût qu’un vaurien ; et j’ai été comme cela oui quand j’étais jeune, il ne fallait pas me marcher sur le pied, non plus qu’à présent. Viens çà grand coquin, que je t’embrasse.
LÉPINE.
Ah ! le bon oncle que vous avez là, Monsieur.
ÉRASTE.
Tu sais mes sentiments pour lui, Lépine.
LÉPINE.
Et combien vous vous faites honneur d’être son neveu.
JÉRÔME.
Je me suis remarié depuis peu, comme tu sais, ou comme tu ne sais pas.
ÉRASTE.
Quoi, mon oncle...
LÉPINE.
Je l’ai deviné d’abord.
JÉRÔME.
Ne te chagrine point, tu n’en seras pas moins mon héritier.
ÉRASTE.
Mon oncle est fait pour la société, Lépine.
JÉRÔME.
Oui, j’ai pris une bonne grosse réjouie, belle et de bonne humeur.
LÉPINE.
La succession est en danger.
JÉRÔME.
Elle aime tout ce que j’aime, le plaisir, la bonne chère ; elle reçoit mes amis parfaitement bien... elle sera ravie de t’avoir au logis.
ÉRASTE.
Je suis ravi de mon côté, mon oncle, que vous ayez fait un si bon choix.
LÉPINE.
Je serai charmé du mien d’avoir une aussi bonne maîtresse ; car vous voulez bien, Monsieur, que je rentre chez vous, dans mon devoir, et dans mes anciennes fonctions de maître garçon ?
JÉRÔME.
Ce n’est pas la peine, mon enfant, je vais quitter.
LÉPINE.
Tant pis.
ÉRASTE.
Vous allez quitter, mon oncle quel ravissement pour moi ! quelle joie !
JÉRÔME.
Je suis riche, j’ai plus de deux cent mille francs de bien, j’achèterai quelque Charge qui m’ennoblira, et comme te voilà de retour, mon dessein est de te donner ma place et mes pratiques, et de te faire au plutôt passer maître.
ÉRASTE.
Moi, mon oncle ?
JÉRÔME.
Oui, toi-même.
LÉPINE.
Fort bien, l’Officier de Dragons deviendra Teinturier, et le Teinturier Gentilhomme, ce sera là une jolie métamorphose.
ÉRASTE.
Vous savez, mon oncle, que ma destination n’a jamais été...
JÉRÔME.
Je sais que ta destination n’a jamais été bonne, il faut changer d’objet, je te donnerai mon fonds, te dis-je.
LÉPINE.
Ne refusez rien, prenez toujours, nous nous en accommoderons.
ÉRASTE.
Je ferai ce que vous voudrez, mon oncle, vous êtes le maître.
JÉRÔME.
Tu prends le bon parti. Quand cela sera fait, nous songerons à te marier, j’ai en main une fort jolie fille
LÉPINE.
Nous en avons aussi une, ne vous mettez pas en peine d’en chercher d’autre.
JÉRÔME.
En ce pays-ci ?
ÉRASTE.
Oui, mon oncle.
JÉRÔME.
Où vous ne faites qu’arriver ?
LÉPINE.
C’est que nous prenons nos mesures de loin. C’est une de nos amies, Madame Clopinet, votre voisine, qui a fait cette affaire-là.
JÉRÔME.
Hé de quelle manière ?
LÉPINE.
Elle nous a envoyé le portrait de la fille, nous lui avons renvoyé celui de mon maître. Les parties ont été contentes des copies, et les originaux sont devenus amoureux l’un de l’autre par la poste. C’est une affaire presque faite, il ne faut plus que le consentement des familles.
JÉRÔME.
Effectivement cela me paraît bien avancé. Hé qui est cette personne-là qui s’amourache si promptement ?
LÉPINE.
Une petite personne fort aisée à vivre et sans façon, comme vous voyez.
JÉRÔME.
Mais encore ?
LÉPINE.
Votre propre voisine.
JÉRÔME.
Que vous appelez ?
ÉRASTE.
Angélique.
JÉRÔME.
Angélique, dites-vous ?
LÉPINE.
Nièce d’un Intéressé.
JÉRÔME.
Dans les affaires du Roi ?
LÉPINE.
Non, dans celles du Public, un Agioteur.
JÉRÔME.
Monsieur Tarif peut-être ?
ÉRASTE.
Justement, mon oncle.
JÉRÔME.
C’est celle à qui je songeais pour toi. Malepeste la fille est riche : mais l’oncle qui est tuteur est tenace.
LÉPINE.
C’est une difficulté, nous le savons.
JÉRÔME.
Mais je ne la croyais pas si prompte à s’enflammer.
LÉPINE.
La sympathie est une belle chose.
ÉRASTE.
Vous connaissez fort Monsieur Tarif apparemment ?
JÉRÔME.
Si je le connais ? C’est mon compère et mon ami, nous souperons peut-être ce soir ensemble.
LÉPINE.
Quelle heureuse rencontre !
JÉRÔME.
Tu seras, si tu veux, de la partie ; c’est à ma maison d’Anthony que j’ai dessein de le mener, veux-tu en être ? nous y parlerons d’affaires.
ÉRASTE.
Il vaut mieux que vous le préveniez d’abord.
JÉRÔME.
Hé bien, soit. Entrons maintenant au logis ; je veux te présenter à ta nouvelle tante.
Scène IV
ÉRASTE, JÉRÔME, LÉPINE, JAVOTTE
JAVOTTE.
Est-ce que vous n’allez pas ce soir à Anthony, mon oncle ? Mettra-t-on les chevaux à votre chaise ?
JÉRÔME.
Non, je prendrai un fiacre au bout de la rue : mais avant que de partir, je veux faire connaître à ma femme, ton frère, que voilà de retour de la guerre et de ses folies.
JAVOTTE.
Hé vraiment oui, c’est lui-même, je ne le reconnaissais pas d’abord. Ah ! que je suis ravie de te revoir, mon pauvre Colin.
ÉRASTE.
Et moi charmé de t’embrasser, ma sœur : mais ne m’appelle plus comme cela, je te prie.
LÉPINE.
Je suis votre serviteur, Mademoiselle Javotte.
JAVOTTE.
Bonjour, Monsieur de Lépine, bonjour.
JÉRÔME.
Ne perdons point de temps, j’ai quelques affaires encore avant de partir. Dépêchons.
JAVOTTE.
Mais si vous voulez, mon oncle, je présenterai pour vous mon frère à ma tante, vous n’avez qu’à dire.
JÉRÔME.
Tu me feras plaisir de t’en charger ; aussi bien vois-je venir Monsieur Tarif, que je veux débaucher pour le mener avec moi. Allez, mon neveu. Voilà un garçon qui va rentrer dans le bon chemin, que je suis ravi !
Scène V
JÉRÔME, TARIF
TARIF, à part.
Sachons un peu s’il est bien sûr que Monsieur Jérôme aille ce soir à sa campagne. J’ai pris des mesures, que je serais fâché qu’on dérangeât.
JÉRÔME.
J’allais passer chez vous, Monsieur Tarif.
TARIF.
Je suis bien aise que nous nous soyons rencontrés. Vous me voulez quelque chose apparemment ?
JÉRÔME.
Vous mener souper à Anthony, où j’ai des ouvriers, comme vous savez. Il y a là de bon vin, nous y boirons le petit coup, et nous reviendrons demain de grand matin.
TARIF.
C’est fort bien imaginé : mais pour ce soir je ne saurais profiter de l’occasion que vous m’offrez ; j’ai des affaires très importantes pour un mariage, dont je fournis la dot en espèces pour du papier, sur lequel il y a moitié à gagner.
JÉRÔME.
À propos de mariage, que faites-vous de votre nièce ?... Il me semble qu’elle est en âge...
TARIF.
Elle est en âge... d’attendre, et moi en âge de ne me pas presser de la pourvoir, et ses comptes ne sont pas prêts.
JÉRÔME.
Quand on trouve une bonne occasion...
TARIF.
Il en faut attendre encore une meilleure. Vous allez ce soir à Anthony ?
JÉRÔME.
Oui.
TARIF.
Très certainement ?
JÉRÔME.
Je l’ai bien résolu comme cela.
TARIF.
Vous en revenez ?
JÉRÔME.
Demain à la pointe du jour.
TARIF.
Cela est bon et bien arrangé. Sans adieu, Monsieur Jérôme, on vous verra au retour.
Scène VI
JÉRÔME, seul
Voilà un bien honnête homme pour un homme d’affaires, et bien de mes amis ; aussi je l’aime.
Scène VII
MADAME TARIF, JÉRÔME
MADAME TARIF.
Bonsoir, Monsieur Jérôme, votre servante.
JÉRÔME.
Votre valet, Madame Tarif, voilà votre cher époux qui me quitte, et qui dit qu’il a bien des affaires.
MADAME TARIF.
Vous a-t-il dit de quelle nature sont ces affaires ?
JÉRÔME.
Oui, pour un mariage auquel il s’intéresse, je pense.
MADAME TARIF.
Il appelle cela un mariage, le bon traître ! Si l’on était d’humeur à se marier de même.
JÉRÔME.
Comment, comment donc ?
MADAME TARIF.
C’est un grand fripon que mon mari, Monsieur Jérôme.
JÉRÔME.
Eh ! doucement, Madame.
MADAME TARIF.
Un grand débauché, un grand scélérat.
JÉRÔME.
Voilà comme vous êtes, vous autres femmes, vous pensez toujours du mal de nous autres. Mais quelle mouche vous a passé de nouveau devant les yeux ? et qu’a donc fait votre mari ?
MADAME TARIF.
Des choses qui vous regardent pour le moins autant que moi, Monsieur Jérôme.
JÉRÔME.
Mais encore ?
MADAME TARIF.
Les cornes vous viendront à la tête quand je vous les dirai.
JÉRÔME.
Qu’est-ce que ce peut-être ?
MADAME TARIF.
Il est amoureux de votre femme.
JÉRÔME.
De Madame Jérôme ? Hé fi, fi, vous rêvez, Madame.
MADAME TARIF.
Il n’y a rien de plus vrai. Vous allez ce soir à la campagne ?
JÉRÔME.
Oui.
MADAME TARIF.
Il soupe chez vous avec elle, et voilà le mariage pourquoi il a affaire.
JÉRÔME.
Quelle peste de mariage ! Vous avez rêvé cela, cela ne peut pas être.
MADAME TARIF.
Cela ne vous paraît pas possible, mais cela est.
JÉRÔME.
Vous avez bien raison, les cornes me viennent. Et qui vous a dit cela, Madame Tarif ?
MADAME TARIF.
Madame Jérôme elle-même, qui m’en a avertie. Oh ! c’est une brave femme.
JÉRÔME.
Madame Jérôme ! Elle n’est donc pas d’accord avec lui, sur ce pied-là ?
MADAME TARIF.
Non, vraiment ; il y a je ne sais combien de temps qu’il la persécute : il n’est de vos amis que pour cela. Elle n’a pas voulu vous en parler, de peur de noise, elle me l’a dit à moi, et nous sommes convenu de le berner, et de nous moquer de lui. C’est aujourd’hui que la partie se fait.
JÉRÔME.
Oh ! parbleu, j’en serai, je n’irai point à Anthony.
MADAME TARIF.
Mais il faut qu’il croie que vous y êtes.
JÉRÔME.
Il en est persuadé de reste. Mais c’est un grand maroufle que votre mari, Madame.
MADAME TARIF.
Qui le sait mieux que moi ? Je vous l’ai dit d’abord. Oh ! je ne l’épargne pas, je lui revaudrai.
JÉRÔME.
Me vouloir jouer un tour comme celui-là !
MADAME TARIF.
Vous ne seriez pas capable de cela vous, Monsieur Jérôme ?
JÉRÔME.
Non vraiment, Madame.
MADAME TARIF.
Ce n’est pas le premier tour qu’il m’a fait, il en conte à tout le voisinage : mais je veux me venger. Il faut que nous nous vengions, Monsieur Jérôme.
JÉRÔME.
Ne vous mettez pas en peine ; j’ai ici par hasard des gens qui ne seront pas inutiles pour cela.
MADAME TARIF.
Sans lui faire aucun mal, pourtant.
JÉRÔME.
On ne lui en fera point.
MADAME TARIF.
Je n’ai pour objet que de le corriger de ces libertinages ; je voudrais si bien qu’il fût un peu changé.
JÉRÔME.
Oh ! il changera, je vous en réponds.
MADAME TARIF.
Quand vous l’aurez pris comme un sot, vous m’enverrez chercher pour lui faire la honte. Je viendrai avec une de mes amies, qui a été dans le cas comme Madame Jérôme.
JÉRÔME.
Oui fort bien, vous n’avez qu’à vous tranquilliser chez vous, et y attendre de mes nouvelles.
MADAME TARIF.
Vous avez bon esprit et bonne conduite, je me rapporte à vous de toutes choses, et vais attendre le dénouement de l’aventure.
Scène VIII
JÉRÔME, seul
Elle sera des plus ridicules, si je ne me trompe.
Scène IX
JÉRÔME, ÉRASTE, LÉPINE
ÉRASTE.
Votre charmante épouse nous a reçu le plus gracieusement du monde, et vous êtes logé et meublé comme un Financier, mon oncle.
JÉRÔME.
C’est ta nouvelle tante qui m’a mis dans ce goût-là. C’est une aimable femme, de bon esprit, de bonne conduite, et tu en verras dès ce soir des preuves convaincantes.
ÉRASTE.
Comment donc ?
JÉRÔME.
Il va se jouer une scène où je veux que tu fasses ton personnage, aussi bien que Lépine, et tu auras bonne part au dénouement.
ÉRASTE.
Ne puis-je pas savoir...
JÉRÔME.
Va-t’en m’attendre avec Lépine dans le petit cabinet du jardin ; quand j’aurai dit un mot à Madame Jérôme que voici, j’irai vous rejoindre, et je vous communiquerai mon projet.
LÉPINE.
Nous attendrons vos ordres avec impatience.
Scène X
JÉRÔME, MADAME JÉRÔME, JAVOTTE
MADAME JÉRÔME.
Comment, vous voilà encore, Monsieur, je vous croyais déjà à moitié chemin pour le moins.
JÉRÔME.
Je ne sais ce que cela veut dire, Madame Jérôme : Mais j’ai de la peine ce soir à vous quitter ; j’ai peur que vous ne vous ennuyez pendant mon absence.
MADAME JÉRÔME.
Que cela ne vous inquiète point ; nous avons fait une partie qui vous divertira vous-même à votre retour.
JÉRÔME.
Ah, ah ! et qu’est-ce donc que cette petite partie-là ?
MADAME JÉRÔME.
Une partie de plaisir.
JÉRÔME.
Pendant que je n’y serai pas ?
MADAME JÉRÔME.
Elle ne vaudrait rien si vous y étiez.
JÉRÔME.
J’y serai pourtant, je vous en réponds.
MADAME JÉRÔME.
Vous nous dérangerez.
JÉRÔME.
Parbleu, je me moque de votre arrangement, j’ai pris le mien. Qu’est-ce que tout cela veut dire ?
MADAME JÉRÔME.
Allez-vous-en à Anthony et emmenez votre neveu, je vous prie.
JÉRÔME.
Ah ! ah ! parbleu voici qui est plaisant ; est-ce que je suis de trop chez moi.
MADAME JÉRÔME.
Oui en de certaines occasions.
JÉRÔME.
Cela commence à m’impatienter.
MADAME JÉRÔME.
Écoutez-moi, votre pétulance se dissipera.
JÉRÔME.
Je n’en ai point. Parlez, je vous écoute, et suis très disposé à vous croire.
MADAME JÉRÔME.
Votre bon ami Monsieur Tarif est un maroufle.
JÉRÔME.
On m’en a dit quelque chose.
MADAME JÉRÔME.
Il a eu l’insolence de me dire qu’il était amoureux de moi.
JÉRÔME.
Je sais encore cela.
MADAME JÉRÔME.
J’en ai averti sa femme.
JÉRÔME.
C’est elle qui m’en a rendu compte.
MADAME JÉRÔME.
Nous avions pourtant résolu de ne vous en dire mot.
JÉRÔME.
Sotte résolution.
MADAME JÉRÔME.
Il m’a demandé un rendez-vous, et je le lui ai donné pour ce soir.
JÉRÔME.
Je voulais savoir la chose de vous-même ; en voilà assez, je sais tout le reste.
MADAME JÉRÔME.
Cela vous fâche-t-il ? Le souper est là-bas, voulez-vous qu’on le renvoie, ou que nous bernions Monsieur Tarif ? il n’y aura pas grand mal, il le mérite bien ; vous êtes le maître.
JAVOTTE.
Eh ! mon oncle, laissez-nous prendre ce plaisir-là, je vous en prie.
JÉRÔME.
Si je vous le laisserai prendre ! je prétends bien en avoir ma part. Que l’on dise toujours que je suis parti.
JAVOTTE.
Oui, mon oncle.
JÉRÔME.
Faites-lui le meilleur accueil que vous pourrez ma femme.
MADAME JÉRÔME.
Il y sera trompé, je vous en réponds.
JÉRÔME.
Beaucoup de liberté, de caresses... modestes, s’entend.
MADAME JÉRÔME.
Voilà des choses qu’il est inutile de me dire.
JÉRÔME.
Oui : mais que Javotte ne vous quitte point cependant.
JAVOTTE.
Non, mon oncle.
JÉRÔME.
Je surviendrai à propos, je vous en réponds.
JAVOTTE.
On frappe à la porte de derrière, et l’on a toussé deux fois ; c’est-là le signal que nous avons donné.
MADAME JÉRÔME.
Voulez-vous qu’on lui ouvre, Monsieur ?
JÉRÔME.
Oui sans doute, je serais bien fâché qu’il n’entrât pas.
MADAME JÉRÔME.
Allez donc, Javotte, et l’amenez ici.
Scène XI
JÉRÔME, MADAME JÉRÔME
JÉRÔME.
Je vais de mon côté rejoindre mon neveu, et préparer à Monsieur Tarif un petit régal à quoi il ne s’attend pas.
MADAME JÉRÔME.
J’entends du bruit, c’est lui, retirez-vous vite. Est-ce Monsieur Tarif, Javotte ?
Scène XII
TARIF, MADAME JÉRÔME, JÉRÔME
TARIF.
Oui, charmante voisine, c’est lui-même.
MADAME JÉRÔME.
Quel ajustement ! quelle propreté !
TARIF.
Pour négocier avec l’amour on se met autrement que quand on n’a que son argent à faire travailler.
MADAME JÉRÔME.
Vous plaisez de quelque manière que vous soyez, mais je ne laisse pas de vous savoir gré des soins que vous prenez pour paraître encore plus aimable.
TARIF.
Mon unique objet est de vous plaire, et le bonheur que j’ai de souper ce soir avec vous en l’absence de votre gros brutal de mari.
MADAME JÉRÔME.
N’en disons point de mal, de grâce, et contentez-vous de ce que je fais aujourd’hui.
TARIF.
C’est bien dit, vous avez raison, belle voisine, respectons son absence, et profitons-en. Le souper est-il prêt ?
JAVOTTE.
Il y a un quart d’heure qu’on a tout apporté, ragoûts, rôti, dessert ; le couvert est mis, le vin rafraîchi, on se mettra à table quand vous voudrez, et sur la fin du repas on vous donnera les violons : c’est une petite musique, dont vous ne serez pas mécontent.
TARIF.
Cela est fort bien imaginé.
MADAME JÉRÔME.
Qu’on apporte le souper ici ? c’est l’endroit le plus éloigné de la rue, et où nous serons le mieux à couvert des regards curieux du voisinage.
TARIF.
Vous êtes une femme adorable, ma voisine : je suis comme vous, j’aime le mystère, et vous ne vous plaindrez pas de ma discrétion.
MADAME JÉRÔME.
On ne peut trop prendre de précaution pour se garantir de la médisance du petit peuple.
TARIF.
Oh ! pour cela c’est une chose épouvantable ; un joli homme de Finances ne saurait souper tête à tête avec une Bourgeoise de conséquence, et y demeurer seulement jusqu’à quatre heures du matin, qu’on n’en fasse le lendemain cent contes ridicules.
MADAME JÉRÔME.
Oh ! je me mets au-dessus de cela moi, et je prends si bien mes mesures, que je ne crains point la médisance.
TARIF.
Je suis comme vous, je me moque de tout, et je ne me contrains en rien. Si nous nous mettions à notre aise, ma voisine.
Il ôte sa perruque.
MADAME JÉRÔME.
Ah ! que vous faites bien, Monsieur ; vous étiez guindé avec votre grande perruque : vous avez un bonnet, mettez-le.
TARIF.
Je ne me fais pas prier, j’aime mes commodités : mais je n’ai point de bonnet dans ces habits-ci, je l’ai laissé dans l’autre.
MADAME JÉRÔME.
Vous n’avez guères de précaution, apportez un des bonnets de votre oncle, Mademoiselle Javotte, le plus beau, le plus propre ; c’est pour Monsieur.
TARIF.
Oh ! mais, Madame... je n’ai garde de prendre des libertés...
JAVOTTE, lui mettant le bonnet.
Belle cérémonie ! Craignez-vous de l’user ? vous lui en rendrez un autre.
Scène XIII
TARIF, MADAME JÉRÔME, JAVOTTE, VALETS
TARIF, s’asseyant.
Ce fauteuil est pour moi apparemment ?
MADAME JÉRÔME.
Oui. Il aime ses commodités.
JAVOTTE.
N’a-t-il pas raison ? C’est le fauteuil de mon oncle, au moins. Il n’est point ici, vous y tenez sa place ; il faut que vous y figuriez comme lui, afin qu’on ne s’aperçoive point de son absence.
TARIF.
Ce serait un grand bonheur pour moi, mon adorable voisine...
JAVOTTE.
Hâtons-nous de souper, les ragoûts se gâtent.
Ils se mettent à table.
TARIF.
Ce serait dommage. Je ne sais si ce maraud de Rôtisseur m’aura envoyé de bonne viande : mais il me l’a bien fait payer. Ce faisan-là coûte douze francs, les deux perdrix neuf livres dix sols, et treize francs l’oiseau de rivière et la bécasse. Ces coquins-là gagnent plus que nous.
JAVOTTE.
Oui : mais ils n’ont pas de si bonnes fortunes.
Scène XIV
MADAME JÉRÔME, TARIF, ÉRASTE, JAVOTTE
ÉRASTE.
Comment donc, on se met à table sans nous avertir ? Mon oncle qui me force à venir loger chez lui presque malgré moi...
TARIF.
Qui est cet homme-là, Madame ?
MADAME JÉRÔME.
Un Officier de Dragons, un neveu de Monsieur Jérôme, qui n’est ici que d’aujourd’hui.
TARIF.
Il a l’air d’un méchant pendard.
ÉRASTE.
Où est donc Monsieur mon oncle ? est-ce qu’il ne soupe pas ici ?
JAVOTTE.
Vous voyez bien que non : mais comme c’est un homme de règle, et qui ne manque jamais à de certaines bienséances, il a envoyé Monsieur son ami pour tenir sa place.
ÉRASTE.
Ce galant homme-là est des amis de mon oncle, ou de ma tante, sans doute ?
JAVOTTE.
Monsieur Tarif est ami de toute la maison, il est le mien, il sera le vôtre si vous voulez : il est tout rempli d’amitié pour toute la famille, et l’on vit avec lui sans façon.
ÉRASTE.
Ah ! parbleu, je l’aime de cette humeur ? je suis aussi sans cérémonie : une chaise, un couvert.
TARIF.
Madame Jérôme.
ÉRASTE.
Que l’on appelle mon Maréchal des logis, qu’il me vienne tenir compagnie ; l’ami de mon oncle me paraît un ennuyeux. Le repas languirait, il faut l’égayer.
TARIF.
Nous nous serions bien passés de la présence de cet homme-là.
Scène XV
TARIF, MADAME JÉRÔME, ÉRASTE, LÉPINE, JAVOTTE
LÉPINE.
On dit que vous me demandez, mon Officier ?
ÉRASTE.
Et parbleu oui ; ne veux-tu pas souper ? Ici comme ailleurs, nous mangerons à table d’hôte : mais la chère est meilleure qu’à l’auberge de la garnison, comme tu vois.
LÉPINE.
Malepeste, quelle différence ! voilà un bon ordinaire bourgeois. Mais je ne vois point Monsieur Jérôme ; j’aurais bien voulu lui parler.
ÉRASTE.
Voilà le meilleur de ses amis, un autre lui-même.
JAVOTTE.
Qui fait pour lui toutes ses affaires.
LÉPINE.
J’entends : c’est Monsieur qui représente quand il n’y est pas.
MADAME JÉRÔME.
Il a la bonté de ne me pas laisser seule, de peur que je m’ennuie.
LÉPINE.
Il faut par reconnaissance le divertir aussi, mon officier, et ne le pas laisser ennuyer. Allons, à boire à lui.
ÉRASTE.
Tope, à la mode, et rasade même.
TARIF.
Parbleu, voilà de bons enfants, Madame Jérôme, et je crois que nous passerons agréablement la soirée.
JAVOTTE.
On frappe à la porte, et rudement même : à l’heure qu’il est, qui pourrait-ce être ?
MADAME JÉRÔME.
Ce sera Monsieur Jérôme. Quelles affaires le font revenir si promptement ?
TARIF.
Le fâcheux contretemps ! que devenir ? quel tour donner à cette aventure ?
MADAME JÉRÔME.
Ne vous mettez pas en peine, c’est un bon homme, et qui croira tout ce que nous voudrons. Secondez-moi, Mademoiselle Javotte.
JAVOTTE.
Oui, ma tante.
Scène XVI
JÉRÔME, MADAME JÉRÔME, TARIF, ÉRASTE, LÉPINE, JAVOTTE
JÉRÔME.
Ah, ah ! vous êtes encore à table et voilà bonne chère ; c’est fort bien fait, Madame Jérôme, de régaler ainsi mon neveu, et de faire si bien les honneurs du logis.
MADAME JÉRÔME.
J’ai cru que vous ne m’en désavoueriez pas, Monsieur Jérôme.
JÉRÔME.
Comment, ventrebleu, Monsieur Tarif est aussi de la partie, et il m’a refusé de venir à Anthony ?
TARIF.
L’affaire sérieuse que j’avais a manqué ; il m’en est par hasard survenue une de galanterie ; j’avais dit chez moi que je ne n’y souperais point, et je suis retombé ici pour attendre l’heure.
JÉRÔME.
Il me paraît que vous y êtes tombé debout, mon voisin ; il y a du mystère en tout ceci.
JAVOTTE.
Il n’y en a point de notre part, mon oncle.
JÉRÔME, à Madame Jérôme.
Vous êtes une coquette, Madame ma femme.
MADAME JÉRÔME.
Je vous jure, Monsieur...
JÉRÔME.
Et vous un pendard, Monsieur Tarif.
TARIF.
Monsieur Jérôme.
JÉRÔME.
Mais que vois-je ? c’est mon bonnet, je pense ? Ah ! quelle perfidie ! quelle insulte ! Je ne sais qui me tient...
JAVOTTE et ÉRASTE.
Mon oncle.
LÉPINE et MADAME JÉRÔME.
Eh ! Monsieur.
TARIF, à genoux.
Mon cher voisin, Monsieur Jérôme.
JÉRÔME.
Je lui pardonnerais d’aimer ma femme : elle est aimable, c’est à elle de se défendre de ses poursuites : mais prendre mon bonnet !
TARIF.
Je m’en vais reprendre ma perruque, Monsieur Jérôme.
MADAME JÉRÔME.
C’est ma faute, à moi ; ne vous emportez pas contre lui, de grâce.
JÉRÔME.
C’est votre faute ? cela est bien ridicule ; mettre le bonnet de son mari sur la tête d’un autre, où est la bienséance ?
JAVOTTE.
Il nous a dit qu’il allait en bonne fortune ; qu’il craignait de déranger l’économie de sa perruque ; on s’est prêté à cela : le grand malheur !
JÉRÔME.
Il vous a dit qu’il allait en bonne fortune ?
LÉPINE.
Oui vraiment, et chez le Baigneur même en sortant d’ici.
JÉRÔME.
Chez le Baigneur ?
TARIF.
Oui, Monsieur Jérôme, c’était mon dessein ; n’en dites rien à ma femme, je vous prie.
JÉRÔME.
Non, non, je n’ai garde ; mais le Baigneur pourrait être un indiscret, un babillard, cela est de conséquence : baignez-vous ici, la chose sera plus secrète.
TARIF.
Que je me baigne ici !
ÉRASTE.
Pourquoi non ? Il y a là-bas vingt cuves à choisir.
TARIF.
Mais ce serait une liberté que...
JÉRÔME.
Mais il n’y a pas plus de liberté à cela qu’à mettre mon bonnet. Tu sais baigner, Lépine ?
LÉPINE.
C’est mon premier métier, Monsieur, vous le savez bien.
ÉRASTE.
Je ne me sers jamais que de lui pour cela, mon oncle.
JAVOTTE.
Mais Lépine sera-t-il assez habile pour cela ? Il y a sérieusement à décrasser à Monsieur Daniel Tarif.
LÉPINE.
Parbleu, je le ferai débouillir en cas de besoin, que l’on me laisse faire.
TARIF.
Madame Jérôme, je vous prie...
MADAME JÉRÔME.
Bonsoir, Monsieur, je vous laisse en bonnes mains, et vous souhaite toutes sortes de bonnes fortunes.
JAVOTTE.
Jusqu’au revoir, Monsieur, que vous allez être propre.
Scène XVII
TARIF, JÉRÔME, ÉRASTE, LÉPINE
TARIF.
Il faut vous avouer, Monsieur Jérôme...
JÉRÔME.
On ne saurait prendre trop de précaution pour aller en bonnes fortunes. Allons, du linge, des mules, et une robe de chambre.
ÉRASTE.
Et du vin, mon oncle ; je bois toujours dans le bain, moi qui vous parle.
LÉPINE.
Il n’y a rien de plus sain : il faut bien laver le dedans et le dehors, il en sera plus net.
JÉRÔME.
Oui, et je veux boire avec lui, pour lui marquer que je n’ai point de rancune.
TARIF.
Je vais vous expliquer, Messieurs...
Scène XVIII
JÉRÔME, LÉPINE, ÉRASTE
JÉRÔME.
Expédions promptement, qu’on se dépêche, je ne veux point de temps pour la réflexion.
LÉPINE.
Cela ne sera pas long, tout est préparé.
JÉRÔME.
Va-t’en chercher Angélique, et l’amène ici.
ÉRASTE.
Je ne perdrai pas un instant.
JÉRÔME.
Voyons un peu si notre affaire s’avance ; je ne veux pas que Madame Jérôme en sache rien.
ÉRASTE.
Monsieur Tarif n’en aura que la peur, et le ressentiment de mon oncle ne sera pas si bien servi qu’il se l’est promis, et l’aventure sera plus ridicule que sérieuse.
Scène XIX
MADAME TARIF, MADAME JÉRÔME, MADAME CLOPINET
MADAME TARIF.
J’étais fort en peine de Monsieur mon mari ; j’attendais chez moi des nouvelles de Monsieur Jérôme, ou des vôtre, je viens moi-même, avec ma voisine et mon amie, voir ce qui se passe.
MADAME JÉRÔME.
Toute autre chose que ce que nous avions projeté ; nous comptions de nous divertir entre nous autres, Monsieur Jérôme a su l’affaire, il nous a volé ce plaisir-là, et l’a pris pour lui.
MADAME CLOPINET.
Monsieur mon mari m’en fit autant il y a trois mois ; Monsieur Tarif fut étrillé par deux grands Clercs.
MADAME TARIF.
Voilà comme font tous ces vilains maris, ils dérangent tout autant qu’ils peuvent toutes les parties de plaisir que font leurs femmes.
MADAME CLOPINET.
C’est ce qui est cause qu’on ne leur fait pas toujours confidence : tout coup vaille, je ne me suis pas repentie de celle-là, et Monsieur Tarif fut fort bien régalé.
MADAME TARIF.
Ce sont des animaux bien ridicules et bien rétifs que des maris : Baste, cela ne l’a pourtant pas corrigé, comme vous voyez. Mais que font-ils ? où sont-ils à présent les deux nôtres ?
MADAME JÉRÔME.
Là-bas dans la salle, où deux Officiers de dragons, et Monsieur Jérôme travaillent de concert à enivrer Monsieur Tarif.
MADAME TARIF.
Qu’avait-on besoin d’eux pour cela ? comme si nous ne l’aurions pas bien enivré nous-mêmes. Mais que vois-je ?
MADAME JÉRÔME.
Le neveu de Monsieur Jérôme.
MADAME CLOPINET.
Oui, c’est Éraste, je le reconnais ; je ne le croyais pas ici.
MADAME TARIF.
Et notre nièce avec lui ; qu’est-ce que cela veut dire ?
MADAME JÉRÔME.
Nous le saurons bientôt, écoutons.
MADAME CLOPINET.
Je le sais déjà, moi ; je sui leur confidente.
Scène XX
ÉRASTE, ANGÉLIQUE, MADAME TARIF, MADAME JÉRÔME, MADAME CLOPINET
ÉRASTE.
Oui, charmante Angélique, nos affaires sont dans la meilleure situation du monde : Monsieur Jérôme, mon oncle, approuve l’ardeur que j’ai pour vous, et j’ose quasi vous répondre que Monsieur votre oncle qui est ici ne me refusera pas son aveu.
ANGÉLIQUE.
Je le livre à ce flatteur espoir, et je souhaite la chose autant que vous, Éraste, je vous assure.
MADAME TARIF.
Vous me paraissez de bonne intelligence avec ce Monsieur-là ; que faites-vous ici avec lui ? qui vous a mandée ? qui vous a dit d’y venir, Mademoiselle ?
ANGÉLIQUE.
C’est lui-même, Madame : il m’a dit que vous étiez avec mon oncle, et qu’on y avait affaire de moi.
MADAME TARIF.
Affaire de vous ! et à quel sujet ?
ANGÉLIQUE.
Je ne sais, Madame.
MADAME TARIF.
Mais on ne s’expose point à venir seule avec un homme...
ÉRASTE.
C’est un mystère qu’on vous expliquera, Madame.
MADAME CLOPINET.
C’est un mystère qui ne l’est point pour moi : Éraste est amoureux d’Angélique, Mesdames.
ÉRASTE.
Vous le savez mieux que personne.
MADAME CLOPINET.
Angélique ne hait pas Éraste.
ANGÉLIQUE.
Vos conseils m’y ont déterminée.
MADAME JÉRÔME.
Tout ceci finira par un bon mariage.
MADAME TARIF.
J’y donnerai les mains de tout mon cœur, pour faire enrager mon mari, qui ne veut point marier sa nièce ; cela le corrigera peut-être, lui de vouloir avant que d’être veuf, se remarier en secondes noces ; et ce sera fort bien fait de le punir comme cela
MADAME CLOPINET.
Ce sera le hasard et moi qui aurons conduit cette affaire.
MADAME JÉRÔME.
Elle finira bien. Entrons dans mon appartement. Voyez ce qui se passe là-bas, Éraste et venez nous en rendre compte.
ÉRASTE.
Oui, Madame.
Scène XXI
ÉRASTE, seul
Ce qui s’y passe les surprendra, et je suis surpris moi-même que mon oncle qui veut faire consentir Monsieur Tarif à mon mariage, pousse si loin la vengeance qu’il en prend lui-même. J’ai pourtant donné ordre à Lépine de la modérer.
Scène XXII
JÉRÔME, LÉPINE, ÉRASTE
LÉPINE.
Vous m’avouerez que cela est en perfection, je n’ai point oublié le métier, Monsieur Jérôme, et je n’ai jamais fait de si bonne besogne.
JÉRÔME, rêveur.
Oui, oui, cela est fort bien : mais...
ÉRASTE.
Comment donc ? qu’avez-vous, mon oncle ? Il semble que vous soyez fâché de la plaisanterie.
JÉRÔME.
Hom : c’est que je la trouve un peu forte quand j’y songe. Dans le premier mouvement de ma colère je me suis livré sans réflexion à une imagination que j’ai trouvée plaisante ; vous l’avez applaudie, cela m’a enhardi, la chose est faite, je commence à la trouver sérieuse.
ÉRASTE.
Elle l’est un peu, je vous l’avoue : mais après tout vous avez fait votre devoir.
LÉPINE.
Et votre métier, c’est là le bon. Le drôle en est quitte à bon marché, je vous en assure.
JÉRÔME.
Cela ne laisse pas de me donner quelque inquiétude, et quelque raison que j’aie dans le fond, il est bon de prévenir certaines suites.
ÉRASTE.
Il n’y a jamais d’inconvénient à prendre des mesures...
JÉRÔME, à Lépine.
Que fait notre homme ?
LÉPINE.
Deux de vos garçons le font sécher auprès du feu ; ils le rhabilleront quand il sera sec, et on lui donnera la clef des champs.
JÉRÔME.
Qu’on ne le fasse pas, que je ne le dise. J’ai envoyé prier mon cousin ; Monsieur Gaspard l’Avocat, de se donner la peine de venir jusqu’ici, pour me concerter avec lui, et voir quelle bonne couleur nous donnerons à cela.
LÉPINE.
Parbleu la couleur est toute donnée, Monsieur, et il n’est plus question de raisonner là-dessus.
JÉRÔME.
Voici quelqu’un. C’est Monsieur Gaspard. Retournez là-bas auprès de votre homme, et me laissez consulter ce que nous aurons à faire.
ÉRASTE.
Nous trouverons moyen de remédier à toutes choses.
Scène XXIII
GASPARD, JÉRÔME
GASPARD.
Qu’est-il donc arrivé chez vous de si surprenant, mon cousin Jérôme ? M’envoyer chercher après minuit ! tirer un Avocat de son cabinet à une heure indue !
JÉRÔME.
De son cabinet ! Est-ce que vous avez un cabinet, Monsieur Gaspard ? Vous sortez du lit, ou vous revenez du cabaret. Ne sait-on pas les choses ?
GASPARD.
Je vous jure que...
JÉRÔME.
Gardez ces affectations-là pour d’autres, et parlons naturellement. Vous êtes mon cousin, j’ai besoin de vous, je vous ai envoyé chercher ; vous êtes venu, vous avez bien fait, je vous en remercie. Parlons affaire.
GASPARD.
Fort volontiers. De quoi est-il question ?
JÉRÔME.
De savoir votre avis, et de le suivre.
GASPARD.
À quel sujet ?
JÉRÔME.
Vous connaissez Monsieur Tarif l’Agioteur ?
GASPARD.
Oui, vraiment, pour un gaillard, pour un maître Sire.
JÉRÔME.
Justement. Il n’a pas tenu à lui que je fusse un maître sot.
GASPARD.
Comment donc cela ?
JÉRÔME.
Je l’ai surpris chez moi avec ma femme.
GASPARD.
In flagranti delicto.
JÉRÔME.
Il n’est pas question de latin, je ne l’entends point. Mais je les ai trouvés ensemble, vous dis-je, en présence d’un de mes neveux, Officier d’armée, qui en peut rendre témoignage.
GASPARD.
C’est quelque chose d’avoir des témoins.
JÉRÔME.
Nous n’en manquerons pas.
GASPARD.
Mais dans de certaines affaires, il faut des preuves si convaincantes.
JÉRÔME.
Le drôle avait déjà mis mon bonnet.
GASPARD.
C’est un préjugé, mais des plus simples, et ce seul indice n’est point suffisant.
JÉRÔME.
Je serais parbleu bien fâché d’en avoir d’autres.
GASPARD.
Enfin ; qu’avez-vous fait, qu’est-il arrivé ?
JÉRÔME.
Vous l’allez savoir.
GASPARD.
Vous avez maltraité votre femme ?
JÉRÔME.
Non.
GASPARD.
Le galant, sans doute ?
JÉRÔME.
Encore moins, je me suis contenté de le faire boire.
GASPARD.
Ah, malheureux ! vous lui aurez fait avaler du poison, quelque verre de teinture.
JÉRÔME.
Voilà ce qui vous trompe, de bon vin de Champagne.
GASPARD.
C’est traiter la chose en douceur, il n’y a point de reproche à vous faire.
JÉRÔME.
Vous n’y êtes pas encore, Monsieur Gaspard, donnez-vous patience.
GASPARD.
Poursuivez donc.
JÉRÔME.
Il m’a voulu donner pour excuse, qu’il n’était ici qu’en passant, et en attendant l’heure d’aller chez le Baigneur, pour se préparer à une bonne fortune.
GASPARD.
Vous avez pris cela pour argent comptant ?
JÉRÔME.
Je savais bien à quoi m’en tenir : je lui épargné les frais du Baigneur, je l’ai fait mettre dans une cuve.
GASPARD.
Vous l’avez fait noyer ?
JÉRÔME.
Point du tout. Vous allez plus vite que moi.
GASPARD.
On l’aura étouffé dans la vapeur ?
JÉRÔME.
Eh ! non, non, de par tous les diables, non.
GASPARD.
Vous me tranquillisez. Achevez de grâce.
JÉRÔME.
Sa femme, qui, de concert avec la mienne, m’avait averti de la manœuvre du maroufle, m’avoir aussi prié de tâcher de changer un peu son mari, je lui ai promis, je m’en suis acquitté, je l’ai fait teindre.
GASPARD.
Quelle imagination !
JÉRÔME.
Il n’y a point d’imagination, cela est réel, il est du plus beau vert... Qu’est-ce qu’il y a à faire là-dedans, dites-moi votre avis ?
GASPARD.
Parbleu, qu’est-ce qu’il y a à faire, vous-même, c’est votre métier, ce n’est pas le mien.
JÉRÔME.
Je vous demande si on ne pourrait pas me faire des affaires de cela ?
GASPARD.
Quelles affaires voulez-vous qu’on vous fasse ? C’est un homme qui vient chez vous pour vous déshonorer, vous l’avez barbouillé, qu’il se débarbouille.
JÉRÔME.
Oui, mais cela tient comme tous les diables ; il en a eu trois couches, et la teinture ne s’ira qu’avec la peau.
GASPARD.
En ce cas-là cela est sérieux, et cette affaire-là fera du bruit. À tout hasard, faites toujours votre plainte ; Monsieur Tarif de son côté fera peut-être aussi la sienne ; mais je ne crois pas que de longtemps il aille à l’Audience.
Scène XXIV
TARIF, JÉRÔME, GASPARD, LÉPINE
JÉRÔME.
Tenez ; le voilà, Monsieur Gaspard, jugez par vous-même s’il est en état d’y paraître.
TARIF.
Messieurs, Messieurs, j’en aurai raison, il y a bonne justice.
LÉPINE.
Nous ne craignons rien, Monsieur, nous avons fait les choses en conscience : vous avez eu trois teintes, et les Jurés de la Communauté n’ont pas le moindre reproche à nous faire.
TARIF.
Marquer un homme de cette manière.
LÉPINE.
Vous êtes à merveille, vous verrez demain au jour ce qu’on vous en dira.
TARIF.
Monsieur Jérôme, Monsieur Jérôme, l’indigne traitement que vous me faites...
JÉRÔME.
Votre femme m’en a prié, Monsieur, je n’ai pu changer que la couleur, c’est à vous de changer vos mœurs, s’il est possible.
GASPARD.
Il faudra bien qu’il en change malgré lui, et dans l’état où vous l’avez mis, je le défierais bien de se produire en bonne fortune.
LÉPINE.
Il a manqué la sienne pour aujourd’hui : mais il ira au bal pour faire des conquêtes ; le voilà masqué pour toute sa vie.
TARIF.
Qu’on va se moquer de moi ! Comment se montrer ? que devenir ?
LÉPINE.
Vous confiner à la campagne. Allez planter des choux et des poireaux, vous êtes déjà de la couleur d’un potager.
GASPARD.
Cela est vrai, voilà un bon conseil.
LÉPINE.
De l’humeur et de la couleur dont il est on le prendra pour le Dieu des Jardins.
Scène XXV
MADAME TARIF, JÉRÔME, GASPARD, TARIF, LÉPINE
JÉRÔME.
Ah ! vous voilà Madame ; où est Angélique, et votre amie Madame la Procureuse ? il est bon que notre voisinage et nos familles se rassemblent.
MADAME TARIF.
On m’a mise au fait, je sais à peu près vos vues, je les trouve bonnes : où en sommes-nous ?
JÉRÔME.
Où nous en sommes ? L’affaire est faite ; connaissez-vous ce Gentilhomme-là ?
MADAME TARIF.
Oh pour cela non, je ne suis point femme de bal, et je ne connais personne sous le masque.
TARIF.
Comme ils m’ont accommodé, ma chère femme !
MADAME TARIF.
Miséricorde ! Eh ! c’est Monsieur Tarif, je pense ! comme le voilà fait ; qui l’aurait reconnu ?
LÉPINE.
Il est changé du blanc au vert, comme vous voyez, je n’ai pas pu mieux faire.
MADAME TARIF.
Vous méritez bien cela, Monsieur ; voilà ce que c’est que de faire le libertin comme vous faites, et de vous adresser à d’honnêtes femmes.
TARIF.
Il est bien question de cela maintenant, et voilà des morales bien placées...
JÉRÔME.
Elle a raison ; vos mauvaises intentions ne sont pas pardonnables, et vous devriez rougir de honte.
LÉPINE.
Oh par ma foi je l’en défie, et nous y avons mis trop bon ordre.
Scène XXVI
JÉRÔME, MADAME JÉRÔME, TARIF, MADAME TARIF, LÉPINE, GASPARD, ÉRASTE, JAVOTTE, ANGÉLIQUE, MADAME CLOPINET
MADAME JÉRÔME.
Qu’est-ce que j’apprends, Monsieur Jérôme ? la raillerie devient outrée, et vous poussez la chose trop loin.
JÉRÔME.
Bon, bon, Madame, le voilà bien malade : le traitement qu’il me préparait méritait bien celui-là, tout au moins.
TARIF.
Ah ! je suis au désespoir, j’aimerais autant être mort. Eh ? Messieurs et Mesdames, pour or et pour argent, par grâce, n’y aurait-il pas moyen de réparer cela ?
MADAME JÉRÔME.
Je vous le demande avec instance.
MADAME TARIF.
Mon bon Monsieur Jérôme ?
JAVOTTE et ÉRASTE.
Un peu d’humanité, mon oncle.
JÉRÔME.
Comment diable faire ? en l’état où le voilà maintenant il ne saurait plus prendre que le feuille-morte.
TARIF.
Comment le feuille-morte !
MADAME TARIF.
C’est une couleur bien triste, Monsieur Jérôme.
JÉRÔME.
Le vert est plus gai, vous avez raison, il n’y a qu’à le laisser comme il est.
GASPARD.
Si le feuille-morte n’était pas trop foncé, encore, il serait quelque temps sans sortir, on dirait qu’il aurait été à la campagne, et qu’il en serait revenu un peu hâlé.
TARIF.
Monsieur Gaspard a raison, cela serait mieux encore, travaillons à cela, Monsieur Jérôme ; vous, mon ami, qui avez fait le mal, il faut que vous le répariez, s’il vous plaît.
LÉPINE.
Et si je le réparais, de manière à vous remettre dans le même état où vous étiez en venant ce soir ici, que feriez-vous ?
TARIF.
Je donnerais la moitié de ce que j’ai au monde.
LÉPINE.
Ce n’est pas pour moi que je le demande, donnez-le à votre nièce, et donnez la fille à mon maître.
TARIF.
Comment, comment ?
LÉPINE.
Ils sont amoureux l’un de l’autre, consentez au mariage.
ÉRASTE.
Il vous dit vrai, Monsieur nous nous sommes promis de nous épouser.
ANGÉLIQUE.
Mon oncle...
TARIF.
Je voudrais que cela fût, j’y consentirais de tout mon cœur.
LÉPINE.
Sur ce pied-là vous êtes un vert brun, je vous rendrai céladon dans une heure.
TARIF.
Oui : mais vert brun ou céladon, céladon ou vert brun, c’est à peu près la même chose ; ce changement de couleur ne changera rien au ridicule.
LÉPINE.
Ah ! que vous êtes vif, Monsieur Tarif ; nous vous avons teint en trois fois, et vous voulez qu’on vous déteigne en une.
TARIF.
Non, non, j’aurai patience, pourvu que...
LÉPINE.
Pourvu que... Vous serez content ; pourvu que vous engagiez Monsieur Jérôme à me donner Mademoiselle Javotte, et à me céder la boutique qu’il voulait donner à mon maître, je vous rendrai blanc comme la neige, pour le cuir s’entend : car pour la conscience, ce serait un peu trop entreprendre.
TARIF.
Monsieur Jérôme ne voudra jamais faire cela pour moi.
JÉRÔME.
Pourquoi non ? je suis plus galant homme que vous ne croyez.
On entend une musique.
TARIF.
Qu’est-ce que c’est que cette musique-là ?
JAVOTTE.
C’est une petite musique que l’on va répéter, pour vous en donner le régal, quand vous aurez repris votre belle humeur, avec votre couleur naturelle que Lépine va vous rendre.
TARIF.
Je voudrais bien que cela fût fait.
LÉPINE.
Cela le sera bientôt : allons, venez.
JAVOTTE.
Si tous les maris dont on courtise les femmes, recevaient ainsi leurs galants, que l’on verrait de Perroquets dans le monde !
Divertissement.
Venez, venez, accourez tous,
Apprendre ici comment se venge
Un mari sagement jaloux.
Si ceux qu’un fol amour dérange,
Ne se corrigent pas chez nous,
Voyez du moins comme on les change.
Pour faire que le correctif,
Qu’on a fait à Monsieur Tarif,
Devienne un jour à tous notoire,
Qu’un musical récitatif
Sur un ton plus gai que plaintif
Au quartier annonce l’histoire ;
Que Pégase, s’il n’est poussif,
Pour en conserver la mémoire,
Aille en tous lieux bannir la gloire
Du Vert-Galant Monsieur Tarif.
1er couplet.
La nature le rend galant :
Mais ce n’est rien que la nature ;
Si l’art n’eût aidé le talent
Par le secours de la teinture,
Au dénouement de l’aventure
Il ne serait pas Vert-Galant.
2ème couplet.
La couleur se donne aisément :
Mais ce n’est rien que la teinture ;
Ce serait un secret charmant,
Si l’art corrigeait la nature :
Mais quand on n’est vert qu’en peinture,
On est un triste Vert-Galant.
3ème couplet.
Quand il croit son voisin absent,
Il vient souper chez sa voisine ;
Et le voisin qui le surprend,
Loin d’en faire mauvaise mine,
Fait, de concert avec Lépine,
Du vieux Tarif un Vert-Galant.
4ème couplet.
Messieurs, pour vous rendre contents,
Il n’est soins qu’ici l’on ne prenne :
Puissiez-vous encor dans cent ans
Goûter les plaisirs de la Scène ;
Et jusques-là, qu’Amour vous tienne
Toujours joyeux et Verts-Galants.