Ourika (Ferdinand DE VILLENEUVE - Charles DUPEUTY)

Sous-titre : la négresse

Drame en un acte.

Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Gymnase-Dramatique, le 25 mars 1824.

 

Personnages

 

ÉDOUARD BELFORT, jeune armateur

ÉLISE, sa cousine

OURIKA, jeune négresse

JACK, capitaine d’un vaisseau marchand

 

La scène se passe à Marseille.

 

Le théâtre représente une salle basse formant comptoir et ouverte sur un port. À droite de l’acteur, une porte conduisant dans l’intérieur de la maison. À gauche, la porte d’entrée. À droite, un bureau. À gauche, une Psyché. Une pendule sur la cheminée qui est du côté du bureau. En dehors, plusieurs barils, balles ou ballots prêts à être chargés à bord.

 

 

Scène première

 

ÉLISE, seule

 

Déjà onze heures... et Édouard n’est pas encore rentré... d’où peuvent donc venir ses fréquentes absences ?... car depuis quelque jours, je l’ai remarqué, tous les matins il paraît triste, préoccupé... il s’entretient souvent avec Jack, capitaine noir d’un vaisseau du Sénégal. Il sort sans me prévenir ; et quand il rentre, si je l’interroge... il me répond à peine, ou bien il me prend la main, me la serre tendrement, et me dit : « Ne t’afflige pas, ma chère Élise, ma bonne cousine, notre commerce va bien... Dans peu, je l’espère, notre maison redeviendra ce qu’elle était quand ton père mourut, et me chargea de la conduire, en te confiant à mes soins. » Ce bon Édouard ! que de peine il s’est donné depuis ce temps ! comme il m’aime !... oh ! oui, il m’aime sincèrement ; mais je tremble que le sentiment qu’il éprouve ne soit pas celui qui remplit mon cœur pour lui... et que l’amitié seule... En effet, élevés ensemble, accoutumés à nous voir tous les jours, à nous confier nos peines, nos désirs, nos regrets, il n’a peut-être vu en moi qu’une amie, qu’une sœur... tandis qu’une autre... Ah ! s’il en est ainsi, jamais il ne connaîtra les secrets de mon âme.

 

 

Scène II

 

ÉLISE, OURIKA

 

OURIKA, pendant la scène précédente, elle a paru plusieurs fois en dehors, en attendant le retour de Belfort avec inquiétude.

Ma bonne amie... le voilà... le voilà...

ÉLISE.

Qui donc ?

OURIKA.

Eh bien... lui... je viens de l’apercevoir là bas, au bout du port.

ÉLISE.

Tu l’attendais donc avec impatience ?

OURIKA.

Est-ce que je suis heureuse quand un de vous n’est pas là.

ÉLISE.

Bonne Ourika.

OURIKA.

Bonne !... c’est plutôt à toi qu’il faut donner ce nom là.

ÉLISE.

Tu crois ?

OURIKA.

Moi... je ne suis rien... c’est toi qui es tout... Qui m’aimerait au monde, si vous n’étiez pas là ?... J’étais seule... j’étais sans appui sur la terre... vous m’avez tenu lieu de tout.

ÉLISE.

Tous les jours tu me parles de cela... et pourtant, Belfort et moi, nous ne faisons qu’acquitter envers toi la dette de la reconnaissance... Ton père ne perdit-il pas la vie en sauvant le mien, dans les colonies, de la fureur de tes compatriotes ?... C’est à son dévouement seul que nous devons la fortune qui nous reste.

OURIKA.

Mais depuis... ton père ne m’amena-t-il pas ?... ne m’adopta-t-il pas... et vous... quel soins n’avez-vous pas pris de moi ?... quelle éducation ne m’avez-vous pas donnée ?

ÉLISE.

N’étais-tu pas notre sœur ?... notre amie ?... aussi, tu resteras toujours avec nous.

OURIKA, sautant de joie.

Comment !... toujours près de toi... toujours près de lui.

ÉLISE.

Tu serais donc fâchée de nous quitter ?...

OURIKA.

J’en mourrais.

ÉLISE.

Le souvenir de ta patrie ne se présente donc jamais à ta pensée ?

OURIKA.

Si... quand je ne pense pas à vous.

ÉLISE.

Et tu es bien heureuse !

OURIKA, soupirant.

Je crois qu’oui.

ÉLISE.

Tu me dis cela... en soupirant.

OURIKA.

Tout ce qui me chagrine... c’est de ne pas te ressembler... tu es belle, toi... on te le dit... moi, on me regarde, et l’on se tait... Pourtant, je fais tous mes efforts pour te ressembler... quand tu parles, je t’écoute... quand tu te pares, je voudrais t’imiter... Dis-moi donc pourquoi je ne peux pas... car enfin, ces jolis mots qui expriment tant de choses... c’est toi qui me les as appris... ces tissus que je porte... tu les portes aussi... mais tout cela te va bien mieux à toi.

ÉLISE.

Ourika... ne parlons pas de cela, je t’en prie.

OURIKA.

Je sais pourquoi tu ne veux pas... c’est que tu n’es peut-être pas contente de ton élève... il me semble pourtant, que je fais des progrès depuis quelque temps... Je suis moins embarrassée pour dire ce que j’éprouve... je trouve plus facilement des mots pour l’exprimer... et ma tournure... mes manières... Tiens, regardes... il me semble que je suis moins gauche... heim... n’est-ce pas ? En vérité, je ne sais d’où cela me vient ?... je crois presque que je suis coquette...

Apercevant Belfort qui entre.

Mais le voilà... Ah ! je t’en prie... ne lui dis pas...

 

 

Scène III

 

ÉLISE, OURIKA, BELFORT

 

BELFORT, en entrant.

Bonjour, Élise... Bon jour, ma chère Ourika...

Il l’embrasse, ensuite s’approche d’Élise, va pour l’embrasser, et lui serre la main.

OURIKA, à part.

Il ne l’embrasse pas elle.

ÉLISE.

Tu as été bien longtemps.

OURIKA.

C’est vous... comme il a chaud !...

Elle prend un mouchoir qui est suspendu, et lui essuie le front.

ÉLISE.

Pourquoi n’as-tu pas envoyé quelqu’un ?

OURIKA.

Oui... il fallait rester près de nous.

BELFORT, à Élise.

Sais-tu si l’on s’est présenté à la caisse pour recevoir ?

ÉLISE.

Non, mon ami, pas encore.

BELFORT.

Eh, bien ! je t’en prie, va porter ces billets à notre caissier... il doit en avoir besoin.

ÉLISE.

Comment ?

BELFORT.

Oui... par erreur, ce matin j’avais pris sur moi la clé... que tu peux lui remettre en même temps... tiens, la voilà... moi, j’ai à terminer quelques affaires.

ÉLISE.

Cela suffit, Édouard... j’y vais...

À part en s’en allant.

Qu’a-t-il donc ? il paraît plus soucieux que jamais.

Elle entre dans la chambre à droite.

 

 

Scène IV

 

BELFORT, OURIKA

 

BELFORT, à part.

Allons, il n’y a plus à balancer... ce soir, je vais partir... le devoir m’en fait une loi.

OURIKA, s’approchant de lui.

Mon bon ami, est-ce que je vous gêne aussi moi ?

BELFORT.

Toi... Ourika !...

OURIKA.

Oui... si cela est... je vais me retirer...

BELFORT.

Non, non, tu peux rester.

OURIKA, à part.

J’en étais bien sûre...

Haut.

J’ai tant de plaisir à me trouver seule avec vous.

BELFORT, à part.

Pauvre enfant ! il faudra aussi me séparer d’elle pour longtemps... tâchons de la consoler...

Haut.

Tu ne doutes pas non plus du plaisir que me cause ta présence ?

OURIKA, se troublant.

Non, mon bon ami.

BELFORT.

Tu sais jusqu’à quel point tu m’es chère !

OURIKA.

Oui, mon bon ami.

BELFORT.

Pourtant, tu ne parais pas tranquille.

OURIKA.

C’est que chaque fois que vous me dites ça... je ne sais pourquoi... mon cœur bat... et puis je tremble.

BELFORT.

Quel enfantillage !... n’as-tu pas l’habitude de me voir, tous les jours.

OURIKA.

Oui... pourtant c’est tous les jours la même chose.

BELFORT.

Je te fais peur... j’ai donc l’air bien méchant ?...

OURIKA.

Non...

BELFORT.

Eh bien ! voyons, rassure-toi... Ton embarras pouvait se concevoir il y a quelques années... mais maintenant que tu as seize ans.

OURIKA.

C’est vrai, mon bon ami... J’ai seize ans.

BELFORT.

Et à cet âge, les femmes de ta patrie...

OURIKA.

Ont déjà senti qu’elles pouvaient aimer...

BELFORT.

Comment ! est-ce que ton cœur ?...

OURIKA.

Mon cœur... oui je crois que mon cœur m’a dit cela.

BELFORT.

Ainsi, tu consentirais donc à nous quitter.

OURIKA.

Au contraire, ce serait pour ne pas être séparée de vous... sans cela je ne voudrais jamais changer mon sort.

BELFORT.

En vérité, je ne te comprends pas.

OURIKA.

C’est dommage !...

BELFORT.

N’importe, ne t’afflige pas, ma bonne petite Ourika ; je te promets de faire tout ce qui dépendra de moi pour assurer ton bonheur.

OURIKA.

Ah ! tant mieux.

À part.

S’il m’avait comprise !

BELFORT.

En attendant, ne tremble plus en ma présence... Appelle-moi toujours ton bon ami.

OURIKA.

Toujours.

BELFORT.

Et si vous te contrarie, eh bien ! dis-moi tu... cela me plaira davantage.

OURIKA.

Je vous... je te le promets.

BELFORT.

Adieu, Ourika.

OURIKA.

Adieu, mon bon ami !... Adieu... Adieu.

 

 

Scène V

 

OURIKA, seule

 

Il m’aime... Oh ! oui, maintenant j’en suis sûre... Comme il me comblait de caresses en m’appelant sa bonne petite Ourika... Et puis... il m’a permis de lui dire tu... Oh ! que je suis heureuse !... Depuis trois ans, je ne vis, je ne respire que pour lui... S’il est affligé, je pleure... s’il est gai, je ris, je saute... quand il parle à une autre, je la trouvé laide... pourtant il ignore tout ce que j’éprouve... Il ne sait pas non plus que je suis. riche, bien plus riche, que lui... que M. Olivier, notre ancien maître, mourant à Saint-Domingue sans enfants, a bien voulu penser à la pauvre Ourika, à la fille de son fidèle esclave... qu’il lui a laissé tout son bien... que Jack, à son arrivée, m’a remis la lettre qui renfermait ces titres précieux... Et je n’ai pas voulu le lui dire avant de savoir s’il m’aimait... Mais maintenant, il va tout apprendre. Je lui dirai : « Édouard, tu es déjà mon frère... deviens mon époux ; prends toute ma fortune... Moi , je ne veux que ton cœur , et je serai toute la vie ton amie, ta femme, ta fidèle esclave... » Oui, je lui dirai tout cela aussitôt... aussitôt que j’oserai.

 

 

Scène VI

 

OURIKA, JACK

 

OURIKA.

Ah ! c’est toi Jack... je te croyais reparti pour notre pays.

JACK.

Moi, parti !... est-ce que je vous avais fait mes adieux ?

OURIKA.

C’est vrai, mon pauvre Jack, je n’y avais pas pensé.

JACK.

Votre pauvre Jack, mam’selle, je sais bien ce que ça veut dire ça... que vous me regardez comme un brave garçon ; mais que vous ne m’aimerez jamais.

OURIKA.

Tu vas donc encore me parler de ça ?

JACK.

Eh ! bien, non, non... ne vous fâchez pas... j’oublie toujours que vous m’avez fait promettre de me taire là-dessus... Ouf !... dites-moi, M. Belfort est-il rentré ?

OURIKA.

Oui... que lui veux-tu ?

JACK.

J’ai des ordres à prendre de lui... car, aujourd’hui, à deux heures je remets à la voile... Demain, Mlle Ourika, je ne vous reverrai plus... je ne vous importunerai plus par ma présence.

OURIKA.

Eh bien... tu recommences !

JACK.

C’est vrai... mais que voulez-vous... c’est plus fort que moi... je sais bien que ça ne vous amuse pas ; mais puisque je vais vous quitter pour longtemps... vous devriez bien me permettre de vous ennuyer encore quelques instants.

OURIKA.

Mais Jack... tu ne m’ennuies pas... tu m’affliges.

JACK.

C’est à peu près la même chose... Comment, mam’selle Ourika, après tout ce que j’ai fait pour vous !... À mon premier voyage ici, vous me rebutiez déjà... Comme je n’étais rien, que je ne possédais rien, j’ai cru que c’était pour ça ; et j’ai voulu me faire un état, amasser de l’or pour vous plaire... Alors, je suis parti en qualité de simple matelot, sous un contremaître qui était l’homme le plus brutal... il me battait, en me jurant que c’était pour mon avancement... Mais quand je recevais des coups, je me disais « C’est pour elle !... » Et il me semblait que ça me faisait moins de mal. Enfin, à force d’être battu et de travailler, j’ai fini par faire mon chemin... Et quand je reviens auprès de vous, avec un grade et une jolie fortune... pour vous offrir, tout à la fois, mon vaisseau et son capitaine... je crois que vous me traitez encore plus durement que ne me traitait mon contremaître.

OURIKA.

Mais, Jack... je ne t’avais rien promis.

JACK.

Non, c’est vrai... Mais j’espérais qu’à ce voyage, d’après la lettre que je vous avais apportée de là-bas, et qui paraissait vous annoncer une bonne nouvelle, vous consentiriez à me suivre, à retourner dans notre pays... et là... qui sait... je ne vous aurais pas encore demandé votre cœur... ça ne m’aurait servi à rien ; mais peut-être qu’au milieu de nos compatriotes...quand vous n’auriez plus vu d’Européens, vous m’auriez trouvé moins laid... Car ici... je le sens bien, c’est la comparaison qui me tue.

OURIKA.

Toi... laid ! je n’y avais pas pensé.

JACK.

Ce n’est pas l’embarras... à bord, il me disent que je ne suis pas mal... un peu brun... seulement !

OURIKA.

Tiens, Jack... je te le conseille, ne pense plus à moi.

JACK.

Ah ! je vois ce que c’est... vous avez perdu le souvenir de votre pays... vous méprisez vos compatriotes maintenant.

OURIKA.

Moi ! oublier tout cela !... oh ! non, Jack, jamais... J’étais bien jeune lorsqu’on m’emmena ; mais je crois voir encore le lieu où je suis née... le souvenir en est gravé là. Sur le bord du fleuve, deux grands palmiers nous dérobaient aux rayons brûlants du soleil... Mon père guidait mes premiers pas... il souriait en me voyant déjà marcher seule, tandis que ma mère agitait doucement un berceau de liane, où sommeillait mon jeune frère... Plus loin, des groupes joyeux de colons dansaient au son du tambourin, en répétant cette chanson créole, dont je me souviens encore.

Chanson créole.

Si z’amoureux approcher moi,
Moi, va aller coûri bien vite,
Et si io demandez pourquoi,
Moi, va aller di io de suite.
Mi quitter, Mamz’elle Zizi ;
Pauv’ petit’ Mamz’elle Zizi !
C’est l’amour,
Monter douleur dans cœur li.

Elle danse sur la ritournelle. Jack la regarde avec complaisance.

Deuxième couplet.

Quand le voir jeter grand cri,
Ion Français trop infidèles,
Li beau comme un Colibri,
Grand malheur qu’il ait des ailes.
Mi quitter, mamz’elle Zizi ;
Pauv’ petit’ mamz’elle Zizi !
C’est l’amour Monter douleur dans cœur à li.

Elle danse avec Jack, sur la ritournelle.

JACK.

Je n’avais pourtant pas envie de danser... mais en entendant votre jolie voix, et cette chanson de mon pays, je n’ai pas pu résister...

OURIKA.

Mais on m’appelle, je crois... Jack, je t’en prie... ne te chagrine pas... Je suis franche... et j’ai mieux aimé te dire la vérité, que de faire le malheur d’un brave garçon comme toi.

Elle entre dans l’appartement à droite.

 

 

Scène VII

 

JACK, seul

 

Elle est franche... elle ne veut pas faire mon malheur... elle croit peut-être qu’elle me rend heureux... Allons, allons, il faut guérir de cet amour-là... Mais comment ?... Il y aurait bien un moyen... ce serait de l’oublier... Oui !... mais c’est précisément celui que je ne veux pas employer.

 

 

Scène VIII

 

JACK, BELFORT

 

BELFORT, entrant.

Ah ! vous voilà, Jack... Je vous attendais avec impatience... j’ai quelque chose à vous dire.

JACK.

Ah ! ah !... je devine... sans doute quelques nouveaux ordres d’achats à me donner... car vous avez été content, j’espère, de mon dernier débarquement en cacao, sucre et cannelle... pas la moindre avarie.

BELFORT.

Sans doute... mais il s’agit aujourd’hui d’une affaire plus sérieuse.

JACK.

Bah !...

BELFORT.

Dites-moi... à quelle heure comptez-vous aujourd’hui vous mettre en mer ?

JACK.

À deux heures précises nous levons l’ancre.

BELFORT.

Eh ! bien... réservez-moi une place sur votre bâtiment... je pars avec vous.

JACK.

Comment ? vous, M. Belfort ?

BELFORT.

Oui... mais surtout promettez-moi de n’en parler à personne.

JACK.

J’y suis... quelque spéculation secrète... quelque bonne partie de marchandises que vous voulez enlever sur place.

BELFORT, tristement.

Oui, Jack... c’est là le motif.

ЈАСК.

Ah ! ça... mais, comme vous me dites-çà donc !

BELFORT.

Vous ignorez sans doute ce qu’on souffre quand on se sépare de ce qu’on aime.

JACK, à part.

Il va peut-être m’apprendre çà, lui... Eh ! mais, est-ce que par hasard !... Ourika !... Non, non, c’est impossible... c’que c’est que la jalousie... je ne pensais plus à c’te diable de couleur, moi !...

BELFORT.

Ainsi, je peux compter sur vous ?

JACK, lui serrant la main.

C’est convenu... au revoir... avant deux heures je viendrai vous prendre.

Il sort.

 

 

Scène IX

 

BELFORT, seul

 

Élise va venir... elle connaîtra le secret de mon âme... le motif qui me force de fuir... je n’ai que quelques instants à moi ; et je dois en profiter pour lui faire cette pénible confidence. Pour que personne ne vienne nous interrompre, fermons cette porte...

Il va pour fermer la porte de l’appartement, Ourika entre.

Ourika !... quelle contrariété !

 

 

Scène X

 

BELFORT, OURIKA

 

OURIKA.

Ah ! te voilà, mon bon ami !... que je suis contente de te revoir !... Tu ne sais pas, j’ai pensé à la permission que tu m’as donnée... je me suis étudiée... et maintenant je suis sûre de ne plus te dire vous... interroge-moi si tu veux.

BELFORT.

Pardon, ma chère Ourika... mais en ce moment...

OURIKA.

Ah ! c’est donc pour cela que tu allais fermer la porte... quand que je suis entrée.

BELFORT.

Oui, j’avais quelques lettres à écrire... et je voudrais...

OURIKA.

Ne te gêne pas... mets-toi à ton bureau... moi, je vais travailler à cette place... sois tranquille... je ne ferai pas de bruit... et, si tu l’exiges, je ne parlerai même pas... mais au moins je serai avec toi.

BELFORT, à part.

Elle va rester là.

OURIKA, qui a pris son ouvrage, et a été s’asseoir du côté opposé.

Devine ce que je fais !... une bourse charmante... tu ne te doutais pas que j’avais ce talent-là... et tu ne devines pas à qui elle est destinée.

BELFORT.

Non...

À part.

Quel embarras !

OURIKA, se levant et s’approchant d’Édouard.

Tiens, vois-tu ce chiffre... un E.

BELFORT.

Eh ! bien ?

OURIKA.

Eh ! bien... tu as donc oublié que tu t’appelles Édouard... Comment, tu ne me remercies pas ?

BELFORT.

Si, si... ma chère Ourika !

OURIKA.

Le fond sera en argent... et les glands en or... des pensées tout au tour ; et au milieu une petite fidélité... Hein !... çà sera joli, n’est-ce pas ?

BELFORT, se levant avec impatience.

Mais, ma bonne petite Ourika, je le répète, que je voudrais...

OURIKA, courant vite à sa place.

Ah ! pardon, pardon ! c’est vrai... j’avais dit que je ne parlerais pas... mais, maintenant, je serai bien tranquille ; et si je dis un mot, si je fais du bruit, je te permets de me renvoyer.

BELFORT.

Mais, Ourika... il y a peut-être quelqu’un au salon... et...

OURIKA.

Je comprends... Pendant que tu es-là, il ne serait pas bien de les laisser seuls... J’y vais, Monsieur, j’y vais... Oh ! mon Dieu... qu’a-t-il donc ? Il n’a jamais été comme ça avec moi... Il me cache peut-être quelque chose... Je veux le savoir son secret.

Elle feint de sortir, et se cache derrière la Psyché.

 

 

Scène XI

 

BELFORT, ÉLISE, OURIKA, cachée

 

BELFORT, à part en apercevant Élise.

La voilà !

ÉLISE.

Tu viens de me faire demander, Édouard ; qu’as-tu donc à me dire ?

BELFORT.

Je voulais te parler d’une affaire qui nous intéresse tous.

OURIKA, à part.

C’est cela... Il se méfiait de moi.

BELFORT, à part.

Maintenant que nous voilà seuls, je suis plus embarrassé que jamais.

ÉLISE.

Édouard, depuis quelque temps, je t’observe... tu parais le plus en plus troublé et agité... surtout en ma présence... Ne suis-je plus ta bonne cousine... ta sœur chérie ?

BELFORT.

Élise, depuis longtemps, je te cache un secret pénible.

ÉLISE.

Toi !...

OURIKA, à part.

Pauvre ami !

ÉLISE.

Tu avais tort... mais voyons, parle.

BELFORT.

Apprends que notre maison...

ÉLISE.

Eh ! bien...

BELFORT, avec effort.

Est presque ruinée.

ÉLISE.

Grands Dieux !... et je l’ignorais ! 

OURIKA, à part.

Et moi aussi... Ah ! c’est bien mal à lui...

BELFORT.

J’avais cru pouvoir te le cacher toujours... malgré la mauvaise foi de nos correspondants, malgré les nombreuses faillites dont nous sommes victimes... j’espérais que de nouvelles, que d’heureuses spéculations... mais rien ne m’a réussi... Enfin je ne puis te laisser ignorer plus longtemps que je suis à la veille de suspendre mes paiements ; et qu’aujourd’hui même, je suis forcé de partir... de quitter la France.

ÉLISE.

Édouard !... me séparer de toi !... ah ! jamais... jamais.

BELFORT.

Il le faut... te dis-je... je paierai tout... mais il ne me restera rien... pourtant j’ai pensé à ton sort... il est assuré, ainsi que celui de notre bonne Ourika.

ÉLISE.

Mais toi !... que deviendras-tu ?

BELFORT.

Moi !... je pars pour le Sénégal... là, les négociants moins nombreux, peuvent, avec de l’activité, du travail, acquérir une fortune plus rapide, et je braverai tout pour y parvenir.

OURIKA, à part.

Ah ! s’il savait mon projet.

BELFORT.

Et pourtant, mon Élise, tu ne sais pas combien cette séparation est affreuse pour moi.

ÉLISE.

Explique-toi.

BELFORT.

Ne me le demande pas.

ÉLISE.

Si, je veux le savoir.

OURIKA, à part.

Et moi aussi !...

BELFORT.

Tu le veux... eh ! bien... apprends donc, que la perte de notre fortune n’est pas mon plus grand chagrin, et que je laisse en France un bien... plus précieux encore.

ÉLISE.

Que veux-tu dire ?

BELFORT.

Que depuis longtemps mon cœur ne m’appartient plus.

OURIKA, à part.

Je l’avais deviné.

ÉLISE.

Et la personne que tu aimes, connaît-elle ton secret ?

BELFORT.

Non.

OURIKA, à part.

Et moi, je crois que si...

BELFORT.

Mais sous le nom d’amitié, combien de fois ne lui ai-je pas exprimé les sentiments les plus tendres.

OURIKA, à part.

C’est vrai.

ÉLISE.

Et ton amour dure-t-il depuis longtemps ?

BELFORT.

Depuis l’enfance ; accoutumée à me voir chaque jour, elle a pour moi l’amitié d’une sœur.

OURIKA, à part.

Oh ! ça lui plaît à dire.

ÉLISE.

Et tu ne lui as pas ouvert ton cœur ?

BELFORT.

Si elle m’avait aimé, ne m’aurait-elle pas déjà deviné ?

ÉLISE.

Elle craignait peut-être de s’abuser... il serait si cruel de revenir d’une erreur aussi chère.

BELFORT.

Élise, tu m’as compris... celle que j’aime... c´est la femme que ton père m’avait déjà...

OURIKA, à part.

Je tremble...

BELFORT.

Enfin, celle que j’adore, sans laquelle je ne puis vivre... Élise, c’est toi !

OURIKA, à part.

Élise !... et moi qui croyais... Je ne sens plus mon cœur... mes jambes fléchissent... malheureuse !...

Elle se laisse tomber sur une chaise.

ÉLISE.

Cher Édouard... pardonne, si plusieurs fois j’avais pensé qu’une autre... notre Ourika a tant de gentillesse...

BELFORT.

Ourika !... comment, tu pouvais supposer... celle que le sort a jetée parmi nous... comme un objet... presque de compassion.

OURIKA, à part.

De compassion !

ÉLISE.

Elle est si bonne, si douce... si prévenante...

BELFORT.

Il est vrai... ses qualités, sa grâce naturelle l’auraient fait aimer dans son pays... mais en Europe, elle se trouve placée hors de la société.

OURIKA, à part.

Hélas !... pourquoi donc ai-je un cœur ?

ÉLISE.

Édouard !... puisque c’est moi seule que tu aimes, ne pars pas... restons ici. Moi aussi, je travaillerai, je passerai les nuits... et ces talents d’agrément que tu t’es plu à me faire donner... je les utiliserai... ils seront une ressource dans notre malheur... Nous serons pauvres ; mais nous serons heureux... car nous nous aimerons.

BELFORT.

Jamais... par hasard on par ma faute, ta fortune a été perdue... je dois te la rendre, et je partirai... À deux heures, le capitaine Jack me prend secrètement sur son bord, et je quitte Bordeaux... Notre caissier m’attend pour quelques affaires pressantes ; nous nous reverrons... rentre, et ne me retiens pas... Adieu...

Il lui baise la main, et sort pur la gauche, tandis qu’Élise rentre dans l’appartement à droite.

 

 

Scène XII

 

OURIKA, seule, sortant de derrière la glace

 

Méprisée... repoussée... pauvre Ourika...

Elle pleure.

Il l’aimait, lui... et moi... je suis donc bien laide...

Allant à la glace où elle se regarde.

Oui... puisqu’il ne m’aime pas... Qu’elle est heureuse !... Pour elle... il a de l’amour... et pour moi, de la pitié... Oh ! l’ingrat ! si je pouvais m’en venger... Je voudrais... je voudrais qu’il éprouvât ce que j’éprouve... Que faire ?... que devenir ?... Mille idées se croisent dans ma tête... Malheureuse !... parmi eux... je ne serai donc jamais aimée.

 

 

Scène XIII

 

JACK, OURIKA

 

JACK.

Ah !... vous v’là, mam’zelle... C’est encore moi... vous allez peut-être me gronder... de ce que je reviens sitôt... mais... je ne sais pas comment cela fait... quand je passe devant votre maison, il me semble toujours qu’il est l’heure d’entrer.

OURIKA.

Ah !... c’est toi, Jack !...

ЈАСК.

Eh ! bien, mam’zelle, vous ne me grondez pas ?...

OURIKA.

Non, ta présence ne me fait pas de peine...

JACK.

Voilà la première fois que vous me dites ça.

La regardant avec attention

Eh ! mais... qu’est-ce que vous avez donc, mam’zelle, vous avez pleuré ?

OURIKA.

Oui, Jack, j’ai pleuré.

JACK.

Ah ! mon dieu, est-ce que ça serait par hasard de ce que vous m’avez fait de la peine tout à l’heure ?... Il ne faut pas pleurer pour ça, mam’zelle... vous m’y avez accoutumé.

OURIKA.

Pauvre Jack... C’est vrai...

JACK.

Quoique cette habitude là soit un peu dure à prendre.

OURIKA.

Oui... je le sens.

JACK.

On est si malheureux quand on aime quelqu’un qui ne nous aime pas.

OURIKA.

Alors il faut de la fermeté, du courage...

JACK.

C’est aussi ce que je me dis ; mais c’est cette diable de fermeté qui n’arrive jamais...

OURIKA, essuyant ses yeux.

Jack... m’aimes-tu ?

JACK, reculant de surprise.

Hein !... comment dites-vous çà ?... Si je vous aime !... Il me semble pourtant que vous devez bien le savoir... Je vous l’ai répété assez de fois...

OURIKA.

Veux-tu me le prouver... en me rendant un service.

JACK.

Un service... Faut-il aller au bout du monde ?... faut me faire tuer pour vous ? Parlez... je suis tout prêt...

OURIKA.

Ton bâtiment part à deux heures ?

JACK.

Oui, mamzelle...

OURIKA.

Eh bien... attends...

JACK.

Oui, mamzelle...

OURIKA.

Assieds-toi là...

JACK.

Oui, mamzelle...

OURIKA se mettant à la table et écrivant.

Il faut que tu avances ton départ d’une heure.

JACK.

Oui, mamzelle... Ah ! ça, mais, pourquoi donc ?

OURIKA.

Je ne peux pas te dire...

JACK.

Pourtant, j’ai promis à quelqu’un.

OURIKA.

Je le sais... mais sois tranquille... tu n’auras rien à te reprocher... je le jure...

JACK.

Vous le jurez... alors ça suffit, mamzelle... mais pourtant...

OURIKA.

Enfin, veux-tu consentir à tout, Jack, sans m’interroger ?... oui, ou non...

JACK.

Eh ! bien... eh ! bien oui... est-ce que je pourrais jamais vous dire, non... à vous.

OURIKA, cessant d’écrire, et ployant sa lettre.

Jack, tu ne te repentiras pas de ta confiance en moi.

JACK.

Vous croyez...

OURIKA.

Oui... car je ne sais pas ce que j’éprouve... mais si tu secondes mon projet, tu peux compter sur ma reconnaissance... ma reconnaissance éternelle.

JACK.

Ah ! mamzelle, ne me dites pas de ces choses-là, je vous en prie... si vous n’en êtes pas bien sûre... car l’instant où je serais désabusé, voyez-vous, j’en mourrais sur la place.

OURIKA, à part.

On vient... c’est lui...

Haut.

Jack, mon ami, va tout préparer... et à une heure, promets-moi que tu seras en mer.

JACK.

Je vous le promets, mamzelle... vous entendrez le coup de canon du départ...

À part.

Je n’y comprends rien... elle me dit qu’elle m’aime... et elle me renvoie une heure plutôt... Enfin, c’est égal... elle m’a appelé son ami... et m’a dit qu’un jour, peut-être...

Haut.

Adieu, mamzelle Ourika, adieu.

Il sort.

 

 

Scène XIV

 

BELFORT, OURIKA

 

BELFORT, entrant sans voir Ourika.

J’avais cru voir entrer le capitaine Jack... Est-ce que déjà l’heure...

Jetant les yeux sur la pendule.

Non, j’ai encore quelques instants à rester auprès d’Élise.

OURIKA à part.

Pour la première fois... j’éprouve de la peine à me trouver seule avec lui.

BELFORT.

Ah ! ah ! te voilà, Ourika... je suis bien aise de te voir... je te cherchais.

OURIKA.

Moi aussi, mon bon ami... je désirais te... je désirais vous parler.

BELFORT.

Pourquoi donc, mon Ourika ?

OURIKA.

Je ne sais... Dites d’abord vous...

BELFORT.

Écoute... Depuis ton enfance, tu as été accoutumée à vivre avec nous... à ne jamais nous quitter... pourtant, si le sort voulait que nous fussions séparés... serais-tu heureuse... seule avec Élise ?

OURIKA.

Non.

BELFORT.

Pourtant, si un jour le malheur le voulait.

OURIKA.

Si le malheur le voulait... je me soumettrais à tout... j’ai du courage, moi, quand il le faut.

BELFORT.

Ma bonne petite Ourika, si jamais quelqu’événement imprévu nous y forçait... car il faut tout supposer... je sais un moyen d’adoucir les regrets de l’absence.

OURIKA.

Ah ! je t’en prie, dis-le moi.

BELFORT.

Plusieurs fois j’ai fait nos portraits... le tien, je le garde... et le mien, le voilà, il est à toi.

OURIKA, faisant un mouvement de joie.

Ton portrait !...

À part tristement.

Non... mon bon ami... donnez-le plutôt à votre cousine... moi, je n’en ai pas besoin... je l’ai déjà, votre portrait.

Mettant la main sur son cœur.

il est là.

BELFORT.

Comment ! tu me refuses ?

OURIKA.

Oui, car je suis sûre qu’elle le gardera...

Levant les yeux au ciel.

plus longtemps que moi... Vous n’avez plus rien à me dire ?

BELFORT.

Non... mon Ourika.

OURIKA.

Alors, c’est à moi de parler... Comme vous le supposiez tout à l’heure... si le malheur nous séparait un jour... avant de vous quitter, j’aurais aussi une confidence à vous faire... Mais, c’est un secret, cela, et comme je n’aurais pas osé vous le dire... j’ai préféré vous l’écrire.

BELFORT.

Un secret... pour moi...

OURIKA, allant chercher la lettre qu’elle a écrite, et qui était sur le bureau.

Oui, prenez cette lettre... mais ne l’ouvrez pas encore.

BELFORT.

Que veux-tu dire ?

OURIKA.

Il le faut... Pourquoi n’aurais-je pas un secret ?... puisque vous paraissez en avoir un pour moi.

BELFORT.

Ourika !... de grâce, que je sache.

 

 

Scène XV

 

BELFORT, OURIKA, ÉLISE

 

ÉLISE.

Édouard... je te cherchais partout... Tout est-il terminé ?

BELFORT.

Oui, tout.

OURIKA.

Mes bons amis, nous voilà tous trois réunis... Édouard, quand vous connaîtrez la lettre, vous la lui montrerez aussi, n’est-ce pas ? Promettez-moi de ne la lire que quand une heure sonnera... J’exige votre parole.

BELFORT.

Je te la donne.

ÉLISE.

D’où vient votre trouble à tous deux ?... Que veut dire ce mystère ?

OURIKA.

Ma présence vous gêne, je crois... vous voulez vous parler seuls, n’est-ce pas ? Je vous laisse... Élise, ma bonne Élise, laisse-moi t’embrasser...

Elle embrasse Élise.

Et vous, mon bon ami, voulez-vous m’embrasser aussi ?

Belfort l’embrasse tendrement.

Au revoir, mes amis...

Elle s’éloigne et revient.

À une heure...

Désignant l’action de lire la lettre.

Adieu, mes bon amis, adieu.

Elle. sort en regardant tendrement Belfort et Élise.

 

 

Scène XVI

 

BELFORT, ÉLISE

 

ÉLISE.

Édouard, tu sais quelque chose.

BELFORT.

Non, non, te dis-je.

ÉLISE.

J’ignore pourquoi son adieu m’a fait mal... je n’ai pu m’empêcher de penser à notre séparation... Édouard, si c’était pour toujours.

BELFORT.

Quelle idée !... Non, non... nous nous reverrons.

ÉLISE.

Ah ! cet espoir me rend presque mon courage... mon cœur est moins oppressé... tiens, vois, j’ai séché mes larmes... Hélas ! bientôt j’aurai le temps de pleurer.

BELFORT.

Élise ! pense toujours à moi... et surtout, prends bien soin de notre Ourika... Lorsqu’elle m’a remis cette lettre, sa main tremblait... d’où venait donc son agitation ? et cette promesse qu’elle m’a fait faire, de ne pas l’ouvrir sur-le-champ.

ÉLISE.

Sois tranquille, mon ami... je la consolerai de ton départ... si je puis me consoler moi-même.

On entend sonner une heure à la pendule.

BELFORT.

Une heure !...

ÉLISE.

Eh ! bien, ouvre... ouvre-la, cette lettre.

BELFORT, décachetant vivement la lettre et lisant.

« Mon bon ami, je t’aimais... c’est un secret que tu as toujours ignoré... je ne vivais que pour t’adorer... mais ton cœur appartenait à une autre ; et je n’étais pour toi qu’un objet de compassion et de pitié... tu l’as dit à Élise... j’en suis sûre, je t’ai entendu... Vous êtes malheureux, je le sais... moi, je suis riche... Il y a quelques heures, je chérissais cette fortune, parce que j’espérais te l’offrir un jour comme la récompense de tes bienfaits... en devenant... ton amie, ta femme, ton esclave... qu’en ferais-je maintenant ? Vous vous aimez ; vous pouvez encore être heureux... je vous la donne... quant à moi... je fuis un monde, une société qui me repousse... Adieu... vous n’entendrez plus parler de la pauvre Ourika. » Je ne puis achever.

Il laisse tomber la lettre, Élise la ramasse et continue de lire.

ÉLISE, lisant.

« Le jour où j’apprendrais que vous m’auriez refusée... je me donnerais la mort. »

BELFORT.

Ah ! courons, courons, s’il en est temps encore... jamais je ne consentirai...

En ce moment on entend un coup de canon dans le port ; et bientôt on aperçoit le vaisseau de Jack, qui passe dans le fond du théâtre, emportant Ourika, qui est à genoux, les mains élevées vers le ciel... Jack est à côté d’elle, et la soutient.

Ourika !...

Il se laisse tomber sur un siège.

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