Les Fragments de Molière (CHAMPMESLÉ)

Comédie en deux actes.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de à l’Hôtel de Bourgogne, en 1674.

 

Personnages

 

LIGNON

JOURDAIN

PIERROT

CHARLOTTE

GUSMAN, valet de Don Juan

LE JUGE, père de Charlotte

DON JUAN

MONSIEUR DIMANCHE

SILVESTRE

 

 

ACTE I

 

 

Scène première

 

JOURDAIN, LIGNON

 

LIGNON.

Ô Amour, que tu agites mon esprit de diverses inquiétudes !

JOURDAIN.

Charlotte, Belle Charlotte !

LIGNON.

Pourquoi, cruel Amour...

JOURDAIN.

Si l’ardeur de la flamme...

LIGNON.

Faut-il que tu mettes la joie...

JOURDAIN.

Que tes beaux yeux par leurs lumières...

LIGNON.

À tourmenter les cœurs...

JOURDAIN.

Ont jeté dans mon âme...

LIGNON.

Que tu soumets à ton empire...

JOURDAIN.

Peut être assez heureuse...

LIGNON.

Si...

JOURDAIN.

Pour...

LIGNON.

Si tu veux montrer ton pouvoir...

JOURDAIN.

Pour obtenir de tes bontés...

LIGNON.

En nous forçant d’aimer...

JOURDAIN.

Le bonheur où j’aspire...

LIGNON.

Pourquoi ne fais-tu pas...

JOURDAIN.

Les plus heureuses destinées...

LIGNON.

Qu’on aime avec plaisir...

JOURDAIN.

N’égaleront point ma fortune...

LIGNON.

Et par quelle...

JOURDAIN.

Mais si toute...

LIGNON.

Et par quelle raison, dis-moi...

JOURDAIN.

Mais si toute mon ardeur...

LIGNON.

Veux-tu que tes moindres plaisirs...

JOURDAIN.

Tous mes soins et tous mes respects...

LIGNON.

Soient achetés de tant de peines...

JOURDAIN.

Ne peuvent te fléchir...

LIGNON.

Que les douc....

JOURDAIN.

Ôte-toi de là, ne vois-tu pas bien que tu m’interromps ?

LIGNON.

Je vois que tu m’interromps de même.

JOURDAIN.

Oui ; mais je suis un Amant qui a besoin de cette place pour soupirer.

LIGNON.

Je suis aussi un Amant qui a affaire de ce lieu-ci pour rêver à mon amour.

JOURDAIN.

Vous êtes Amant ?

LIGNON.

Oui.

JOURDAIN.

Peut-on vous demander, Pasteur, qui est la Bergère que vous aimez ?

LIGNON.

Hélas ! Pasteur, la Personne la plus aimable qui soit en ce pays.

JOURDAIN.

Vous l’appelez ?

LIGNON.

La Nymphe Charlotte.

JOURDAIN.

Eh ?

LIGNON.

Comment ?

JOURDAIN.

Vous vous moquez.

LIGNON.

Moi !

JOURDAIN.

Oui.

LIGNON.

Plût au Ciel que je me moquasse, et que cela ne fut point vrai !

JOURDAIN.

Vous aimez la Nymphe Charlotte, fille du Notaire du Village ?

LIGNON.

Fille du Juge du Village.

JOURDAIN.

Promise au Marinier Pierrot ?

LIGNON.

Au Marinier Pierrot.

JOURDAIN.

Ah !

LIGNON.

Quoi ?

JOURDAIN.

Je l’aime aussi.

LIGNON.

Vous l’aimez aussi, Pasteur ?

JOURDAIN.

Oui, Pasteur ; mais puis-je savoir le nom de mon rival ?

LIGNON.

Je m’appelle Lignon.

JOURDAIN.

Et moi, Pasteur, je m’appelle Jourdain.

LIGNON.

Hélas ! Faut-il que deux fleuves soient réduits à se couper la gorge ensemble ?

JOURDAIN.

Et pourquoi cela ?

LIGNON.

Pour voir qui de nous deux demeurera son Amant.

JOURDAIN.

Il y a des remèdes plus humains que cela, si nous voulons nous en servir.

LIGNON.

Et quels ?

JOURDAIN.

Oui, avez-vous déclaré votre amour ?

LIGNON.

Non.

JOURDAIN.

Allons chercher ce rare Objet, pour le prier de choisir de nous deux ; et celui qui sera refusé, pourra se pendre après, s’il le veut.

LIGNON.

Je consens à cela. Mais la voici.

 

 

Scène II

 

LIGNON, JOURDAIN, CHARLOTTE

 

JOURDAIN.

Belle Nymphe, vous voyez ici deux Fleuves tous deux amoureux de vous.

LIGNON.

Oui, nous sommes deux pauvres Amants nécessiteux, qui viennent à votre Porte vous demander l’aumône de vos bonnes grâces.

JOURDAIN.

Nous venons mettre entre vos mains notre différent amoureux.

LIGNON.

Vous pouvez regarder, Bergère, qui de moi ou de lui vous voulez accepter.

CHARLOTTE.

N’avez-vous point vu Pierrot ? Je ne sais où il est depuis ce matin qu’il s’est mis en Mer avec la Chaloupe.

JOURDAIN.

Ah, trois et quatre fois belle et trop belle beauté, nous n’avons rien vu ici que le mérite des perfections de vos avantages.

LIGNON.

Cela est vrai, belle Nymphe.

CHARLOTTE.

Pierre ne veut point que j’entende tout cela, et il m’a dit qu’il battra tous ceux qui m’en parleront.

JOURDAIN.

Cela serait bien cruel, belle Nymphe, que nous fussions battus pour vos beaux yeux.

LIGNON.

Cela est vrai, belle Nymphe.

JOURDAIN.

Pasteur, pour ne point faire de jalousie entre nous, baisons-lui chacun une main.

CHARLOTTE.

Pour ne point faire de jalousie entre vous, voilà chacun un soufflet.

LIGNON.

Ah, Bergère, le Ciel vous a-t-il faite si charmante pour être si cruelle ?

JOURDAIN.

Ah, mon pauvre Lignon !

LIGNON.

Ah, mon pauvre Jourdain !

JOURDAIN.

Pauvres Fleuves méprisés !

LIGNON.

Il se faut pendre après cela.

JOURDAIN.

Tu as raison, mon pauvre Fleuve, viens que je te pende le premier, et tu me pendras après.

LIGNON.

Non, ne nous pendons point. Je trouve que pour notre disgrâce ce n’est pas assez de se pendre.

JOURDAIN.

Ah ! voici notre Rival ; retirons-nous, Pasteur, de peur de quelques démêlés.

LIGNON.

Cela est vrai, Pasteur.

 

 

Scène III

 

CHARLOTTE, PIERROT

 

CHARLOTTE.

Pargué, Pierrot, tu t’es donc trouvé là bien à point ?

PIERROT.

Parguenne il ne s’en est pas fallu l’époisseur d’une éplingue qu’ils ne se sayent nayez tous deux.

CHARLOTTE.

C’est donc le coup de vent da matin qui les a renvarsés dans la Mar.

PIERROT.

Aga quien, Charlotte, je m’en vas te conter tout fin droit comme cela est venu. Car, comme dit l’autre, je les ai le premier avisés, avisés le premier je les ai : enfin j’esquions sur le bord de la mar moi et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avec des mottes de tarre, que je nous jequions à la tête ; car, comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi par foüas je batifole itou ; en batifolant donc, pisque batifoler y a, j’ay aperceu de tout loin queuque chose qui grouillait dans liau, et qui venait comme envars nous par secousse. Je voyais ça fixiblement, et pis tout d’un coup je voyais que je ne voyais plus rian. Ah Lucas, çay-je fait, je pense qua vla des hommes qui nageant là-bas. Voire, ce m’a-t-il fait, t’as été au trépassement d’un chat, tas la vue trouble. Palsanguenne, çay-je fait, je n’ay point la veüe trouble, ce sont des hommes ; point du tout, ce m’a-t-il fait, tas la barluë ; veux-tu gager, çay-je fait, que je n’ai point la barluë, çay-je fait, et que se sont deux hommes, çay-je fait, qui nageant droit ici ? çay-je fait ; morguienne, ce m’a-t-il fait, je gage que non ; oça, çay-je fait, veux-tu gager dix sols que si ? Je le veux bian, ce m’a-t-il fait, et pour te montrer, vela argent sur jeu, ce m’a-t-il fait ; moi je n’ai été ni fou ni étourdi, j’ai bravement bouté à tarre quatre pièces tapées, et cinq sols en double, jarniguenne aussi hardiment que si j’avois avalé un varre de vin ; car je sis hazardeux, moi, et je vas à la débandade, je savas bien ce que je faisais pourtant, queuque gniais. Enfin donc je n’avons pas pu tôt eu gagé, que j’avons veu les deux hommes tout à plein qui nous faisians signe de les aller querir, et moi de tirer auparavant les enjeux. Allons Lucas, çay-je dit, tu vois bien qu’ils nous appellons, allons vite à leur secours. Non, ce m’a-t-il dit, ils m’ont fait pardre, adonc tant y a qu’à la parfin, pour faire court, je l’ai tant sarmonné que je nous sommes bouté dans une barque, et pis j’avons tant fait cahin-caha, que je les avons tiré de liau, et pis je les avons mené cheu nous auprès du feu, et pis ils se sont dépouillez tout nus pour se sécher, et pis il en est venu encore deux de la même bande, qui s’étians sauvez tous seuls. Vela justement, Charlotte, comme tout ça s’est fait.

CHARLOTTE.

Il y en a donc un, Pierrot, mieux fait que les autres.

PIERROT.

Oui, c’est le Maître. Il faut que ce soit queuque gros Monsieu ; car il a du dor à son habit, tout depis le haut jusqu’en bas, et ceux qui le servons sont des Monsieux eux-mêmes, et stanpandant tout gros Monsieu qu’il est, il se seroit ma figue noyé, si je n’avieme été là.

CHARLOTTE.

Ardez un peu.

PIERROT.

Oh, parguenne sans nous il en avoit pour sa mène de feuve.

CHARLOTTE.

Est-ce qu’il est encore tout nu, Pierrot ?

PIERROT.

Nanain, ils l’avon r’habillé devant nou. Mon Dieu, je n’en avois jamais veu s’habiller, que d’histoire et d’angins gorniaux ils boutons, ces Messieus-là : je me pardrais là-dedans, pour moi, et j’étois tout ébaubi de voir ça : tiens Charlotte, ils avons des cheveux qui ne tenans point à leurs têtes, et ils boutons ça après tout, comme un gros bonnet de filace. Ils ant des chemises qui ant des manches où j’entrerien tout brandy toi et moi. En lieu d’audechausse ils portons un garderobe aussi large que d’ici à Pasques. En lieu de pourpoint, de petites brassières qui ne leur venons pas jusqu’au brichet, et en lieu de rabat, un grand mouchoir de cou à risiau, avec quatre grosses houpes de linge qui leur pendon sur l’estomac. Ils avon itou d’autres petits rabats au bout des bras, et parmi tout ça tant de ribans que c’est grande piquié. Il n’y a pas jusqu’aux souliez qui n’en soiont tous farci, tout depuis un bout jusqu’à l’autre ; et ils sont faits d’une façon que je me romprois le cou aveuc.

CHARLOTTE.

Il faut que j’aille voir un peu ça.

PIERROT.

Oh, écoute un peu auparavant, Charlotte, j’ay queuque chose à te dire, moi.

CHARLOTTE.

Qu’est-ce que c’est ?

PIERROT.

Vois-tu Charlotte, il faut, comme dit l’autre, que je debonde mon cœur, je t’aime, tu le sais bian, et je somme pour être mariez ensemble ; mais mordienne je ne suis point satisfait de toi.

CHARLOTTE.

Qu’est-ce donc qu’il y a ?

PIERROT.

Il y a que tu me chagrines l’esprit, franchement.

CHARLOTTE.

Comment donc ?

PIERROT.

Testedienne, tu ne m’aimes point.

CHARLOTTE.

N’est-ce que ça ?

PIERROT.

Oui ce n’est que ça, et c’est bian assez.

CHARLOTTE.

Mais tu me dis toujours la même chose.

PIERROT.

Je te dis toujours la même chose, parce que c’est toujours la même chose, et si ce n’était pas toujours la même chose, je ne te dirais pas toujours la même chose.

CHARLOTTE.

Que veux-tu ?

PIERROT.

Jernidienne je veux que tu m’aimes.

CHARLOTTE.

Est-ce que je ne t’aime pas ?

PIERROT.

Non, tu ne m’aimes pas ; et si je fais tout ce que je pis pour ça. Je t’achète sans reproche des ribans à tous les maciez qui passon. Je me romps le cou à t’aller dénicher des marles. Je fais jouer pour toi les vielleux quand se vient ta fête, et tout ça comme si je me frappais la tête contre un mur. Vois-tu, ça n’est ni bian ni honnête de n’aimer pas les gens qui nous aimons.

CHARLOTTE.

Mais je t’aime aussi.

PIERROT.

Oui, tu m’aimes d’une belle dégaine.

CHARLOTTE.

Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ?

PIERROT.

Je veux que l’on fasse comme on fait quand on aime comme il faut.

CHARLOTTE.

Mais je t’aime comme il faut.

PIERROT.

Non, quand ça est ça se voit, et l’an fait mille petites singeries, quand on les aime du bon du cœur. Regarde la grosse Thomase, comme elle est assotée du jeune Robain, alle est toujours entour de lui à l’agacer, et ne le laisse jamais en repos, toujours alle lui fait queuque niche, ou ly baille quelque taloche en passant ; et l’autre jour qu’il était assis sur un escabeau alle fut le tirer de dessous ly, et le fit choir de tout son long par tarre. Jarny vela où on voit les gens qui aimon ; mais toi tu ne me dis jamais mot ; tés toujours là comme une vrai souche de bois, et je passerois vingt fois devant toi que tu ne te grouillerois pas pour me bailler le moindre coup, ou me dire la moindre chose. Ventredienne ça n’est pas bian après tout, et tés trop froide pour les gens.

CHARLOTTE.

Dame, c’est mon hymur, on ne peut pas me refondre.

PIERROT.

Il n’y a hymeur qui tienne, quand l’an a de l’amitié pour les parsonnes, on en donne toujours queuque petite signifiance.

CHARLOTTE.

Hé bien, laisse-moi en repos, et vas en chercher quelque autre.

PIERROT.

Hé bian, vela pas mon conte ; testigué si tu m’aimais me dirais-tu ça ?

CHARLOTTE.

Qu’est-ce que tu viens aussi me tarabuster l’esprit ?

PIERROT.

Morgué, queu mal te fais-je ? Je ne te demande qu’un peu plus d’amiquié.

CHARLOTTE.

Eh bien va, ça viendra sans y songer.

PIERROT.

Touche donc là, Charlotte.

CHARLOTTE.

Eh bien, tiens.

PIERROT.

Promets-moi que tu tâcheras de m’aimer d’avantage.

CHARLOTTE.

Hé, Pierrot, est-ce là ce Monsieur ?

PIERROT.

Oui, le vela.

CHARLOTTE.

Hélas, c’eut été dommage qu’il eut été noyé.

PIERROT.

Je revian toute à l’heure, je m’en vais boire chopine, pour me rebouter tant soit peu de la fatigue que j’ai eue.

 

 

Scène IV

 

DON JUAN, GUSMAN, CHARLOTTE

 

GUSMAN.

Par ma foi il semble que nous n’ayons jamais bu que du vin, et nous voilà aussi bien remis que si de rien n’avait été ; mais, Monsieur, dites-moi un peu, s’il vous plaît, tous ces vœux que nous avons faits avec tant d’ardeur dans le péril sur la Mer, seront-ils exécutés avec la même ?

DON JUAN.

Tais-toi. Ah ! La jolie Personne, Gusman.

GUSMAN.

La peste le joli tendron !

DON JUAN.

Il faut l’aborder. Comment ma belle, un lieu si sauvage peut produire une personne comme vous ? Ah, vous n’êtes point faite pour habiter les déserts. Regarde, Gusman, qu’elle est bien prise.

GUSMAN.

Et vous aussi.

DON JUAN.

Est-ce que vous voudriez, ma belle, demeurer toute votre vie dans un lieu pauvre et inhabité comme celui-ci ?

CHARLOTTE.

Ho, Monsieur, il y a bien des filles et des garçons dans notre hameau.

DON JUAN.

Il faut que vous quittiez une si triste demeure.

CHARLOTTE.

Oh, Monsieur, mon père me voulait marier au gros Lucas, mais ma mère n’a pas voulu, à cause qu’il me fallait aller demeurer à trois lieues d’ici avec lui.

DON JUAN.

Sa simplicité me charme : et qui est-t-il votre père ?

CHARLOTTE.

Il est juge d’ici.

DON JUAN.

Vous êtes fille assurément à votre âge.

CHARLOTTE.

On me va marier.

DON JUAN.

Et à qui, ma belle ?

CHARLOTTE.

À Pierrot qui demeure auprès de cheux nous.

DON JUAN.

Quoi, Pierrot aura ce bonheur-là ? Pierrot possédera ce trésor ? Non, non, vous n’êtes point destinée pour Pierrot, un rustique, un vilain ; il vous faut un homme comme moi qui vous fasse brave, qui... comment vous appelez-vous ?

CHARLOTTE.

Charlotte, Monsieur.

DON JUAN.

Fi, il faut qu’on ne parle à vous qu’avec respect, et qu’on vous appelle Madame ; n’aimeriez-vous pas mieux être avec moi ? car, belle Charlotte, je vous aime passionnément.

CHARLOTTE.

Ô Monsieur, vous ne voudriez pas aimer une petite fille comme moi.

GUSMAN.

Si fait, si fait, je vous en réponds.

CHARLOTTE.

Mais, Monsieur, il faut demander à ma mère.

GUSMAN.

Il est homme d’ordre, et fera les choses dans les formes.

CHARLOTTE.

Et si il ne faut pas que Pierrot le sache, car il se fâcherait.

GUSMAN.

Mon Maître est secret.

DON JUAN.

Pour moi je suis enchanté, quelle taille ! tournez-vous un peu, elle est charmante.

CHARLOTTE.

Ô Monsieur, quand j’ai mes habits des Dimanches.

DON JUAN.

Ah les belles dents, montrez-les moi encore de grâce ; quel rang de perles, quelles mains, elles sont faites au tour ; quelle blancheur !

CHARLOTTE.

Ô Monsieur, si j’avais su ça, je les aurais lavées ce matin avec du son, elles seraient bien plus blanches.

DON JUAN.

Ma belle enfant, souffrez qu’un baiser...

CHARLOTTE.

Ô Monsieur, ma mère m’a dit qu’il ne fallait pas baiser les hommes, je ne baise pas seulement Pierrot.

DON JUAN.

Tant mieux, ma belle, tant mieux, abandonnez-moi seulement votre main ; je ne me sens pas de joie et rien n’égale le ravissement où je suis.

 

 

Scène V

 

DON JUAN, GUSMAN, PIERROT, CHARLOTTE

 

PIERROT.

Tout doucement, Monsieur, tenez-vous, s’il vous plaît, vous vous échauffez trop, et vous pourriais gagner la puresie.

DON JUAN.

Qui m’amène ici cet impertinent ?

PIERROT.

Je vous dis qu’ou vous teniais, et que vous ne caressiais pas nos accordées.

DON JUAN.

Ah que de bruit.

PIERROT.

Jernidienne, ce n’est pas comme ça qu’il faut pousser les gens.

CHARLOTTE.

Laisse-le faire aussi, Pierrot.

PIERROT.

Comment, que je le laisse faire ; je ne veux pas, moi.

DON JUAN.

Ah...

PIERROT.

Testedienne, parce que vous êtes Monsieur, vous viendrez caresser nos femmes à notte barbe ? Allez-vous en caresser les vôtres.

DON JUAN.

Hen.

PIERROT.

Hen ? Tastigué ne me frappez pas. Oh, jarnigué, ventregué, palsangué, mordienne, ça n’est pas bien de battre les gens, et ce n’est pas là la récompense de vous avoir sauvé d’être noyé.

CHARLOTTE.

Pierrot, ne te fâche point.

PIERROT.

Je me veux fâcher, et t’es une vilaine, toi, d’endurer qu’on te cajole.

CHARLOTTE.

Il n’y a pas de quoi te bouter en colère.

PIERROT.

Quement, jarny, tu m’es promise.

CHARLOTTE.

Est-ce que tu es fâché, Pierrot, que je devienne Madame ?

PIERROT.

Jarnigué, oui, j’aime mieux te voir crever, que de te voir à un autre.

CHARLOTTE.

Va va Pierrot, tu porteras des fromages cheux nous.

PIERROT.

Ventredienne, je n’y en porterai jamais quand tu m’en poirois deux fois autant qu’un autre ; est-ce donc comme ça que t’écoutes ce qu’il te dit ? morguienne, si j’avais su ça tantôt, je me serais bien gardé de le tirer de liau, et je lui aurais baillé un bon coup d’aviron sur la tête.

DON JUAN.

Qu’est-ce que vous dites ?

PIERROT.

Jarniguenne, je ne crains parsonne.

DON JUAN.

Attendez-moi un peu.

PIERROT.

Je me moque de tout, moi.

DON JUAN.

Voyons cela.

PIERROT.

J’en avons bian veu d’autres.

GUSMAN.

Eh ! Laisse-le faire, mon pauvre garçon, et ne lui dis rien.

PIERROT, lui donnant un soufflet.

Je veux lui dire, moi.

DON JUAN.

Te voilà payé de ta charité.

PIERROT.

Jarny, je vas dire à ton père tout ce ménage-ci.

DON JUAN.

Ah, Gusman, que je suis épris de cet aimable enfant ; mais que je crains qu’elle ne reçoive quelque rude réprimande pour moi.

GUSMAN.

Tout de bon, vous tient-elle au cœur ?

DON JUAN.

Oui, Gusman, et je craindrais plus que la mort qu’elle fût querellée par son père.

GUSMAN.

Écoutez, pour servir votre passion, vous savez que j’ai accoutumé d’entreprendre bien des choses ; laissez-moi faire, j’ai déjà bu avec son père, et ce sont de ces bonnes gens qui font connaissance en deux verres de vin. J’imagine une pièce assez plaisante pour l’intimider et l’empêcher de quereller sa fille. Reposez-vous sur moi ; je lui vais mettre mon camarade en tête, et de la façon dont je conduirai la chose, je vous promets de servir votre amour. Allons seulement faire un doigt de collation.

 

 

ACTE II

 

 

Scène première

 

LE JUGE, CHARLOTTE

 

CHARLOTTE.

Mon père, pourquoi me tourmentez-vous ? Est-ce ma faute si j’aime mieux ce Monsieur que ce gros vilain Pierrot que vous me voulez donner ?

LE JUGE.

Allons, petite babouine, allons, vous aimez donc les Monsieur ; or je vous apprendrai que les Monsieur ne sont pas pour vous, et que vous n’êtes pas pour eux. Rentrez au logis, et qu’il ne vous arrive plus de songer à d’autres qu’à Pierrot, c’est lui qui sera mon gendre, il a bon métier, et vous ne sauriez mourir de faim avec lui. Adieu, qu’on ne m’en souffle pas seulement un petit mot. Voyez-vous, il leur faut des godelureaux, de ces petits muguets bâtis comme des poupées, avec leurs grands cheveux et leurs petites épées ; non sera, non sera votre Monsieur, le Monsieur ne sera pas pour vous, ma fille. Ah, voici son Valet de Chambre, c’est le plus honnête d’eux tous, celui-là, car dès le matin nous avons bu ensemble.

 

 

Scène II

 

GUSMAN, LE JUGE

 

LE JUGE.

Monsieur Gusman, je suis le vôtre ; comment vous va ?

GUSMAN.

Fort bien, Monsieur, je vous cherchais.

LE JUGE.

Qu’y a-t-il pour votre service ? Vous êtes un brave homme, vous ; et de toute votre bande, vous êtes celui que j’aime le mieux.

GUSMAN.

Monsieur, je vous suis bien obligé, et aussi en récompense je vous viens avertir de quelque petite chose qui vous touche.

LE JUGE.

Moi !

GUSMAN.

Vous-même.

LE JUGE.

Et qu’est-ce que ce serait ?

GUSMAN.

Et ce n’est qu’une bagatelle ; mais il est toujours bon d’y prendre garde.

LE JUGE.

Dites-moi donc, je vous prie, ce que c’est ?

GUSMAN.

C’est que l’on vous veut tuer.

LE JUGE.

Me tuer !

GUSMAN.

Oui ; mais cela ne sera rien : c’est un drôle qui prend avec un peu trop de chaleur les intérêts de mon maître contre vous, touchant vôtre fille ; mais je lui ai bien dit son fait : ce n’est pas qu’il est méchant comme un diable, et quand il a résolu quelque chose, il faut que cela soit ; mais je lui ai bien juré que s’il més-arrivait de votre personne, je saurais bien vous en venger tôt ou tard ; c’est pourquoi vous n’avez que faire de craindre.

LE JUGE.

Et oui-da ; mais s’il m’allait tuer sans vous avertir, je ne laisserais pas que d’être mort.

 

 

Scène III

 

LE JUGE, SILVESTRE, GUSMAN

 

GUSMAN.

Chut, ne faites point semblant de rien, et vous tenez un peu à l’écart, le voici ; vous allez entendre comme je lui vais parler.

SILVESTRE.

Gusman, fais-moi connaître un peu le Juge de ce lieu, qui est le père de cette jolie Charlotte.

GUSMAN.

Pourquoi, Monsieur ?

SILVESTRE.

Je viens d’apprendre qu’il veut empêcher que mon Maître l’épouse, et qu’il se vante de le poursuivre par Justice.

GUSMAN.

Il est vrai qu’il ne veut pas consentir à ce mariage, parce que sa parole est engagée à un autre.

SILVESTRE.

Par la mort, par la tête, par le ventre, si je le trouve, je le veux échigner, dussai-je être roué tout vif.

GUSMAN.

Hé, Monsieur, c’est un honnête homme, peut-être ne vous craindra-t-il point.

SILVESTRE.

Lui, lui ? Par la sang, par la tête, s’il était là, je lui donnerais de l’épée dans le ventre. Qui est cet homme-là ?

GUSMAN.

Ha, Monsieur, ce n’est pas lui.

SILVESTRE.

N’est-ce point quelqu’un de ces amis ?

GUSMAN.

Au contraire, c’est son ennemi capital.

SILVESTRE.

Son ennemi capital ?

GUSMAN.

Oui.

SILVESTRE.

Ah ! parbleu j’en suis ravi. Vous êtes ennemi, Monsieur, de ce faquin de Juge. Eh ?

GUSMAN.

Oui, oui, je vous en réponds.

SILVESTRE.

Touchez-là, touchez ; je vous donne ma parole, et vous jure sur mon honneur par l’épée que je porte, par tous les serments que je sais faire, qu’avant la fin du jour je vous déferai de ce maraud fieffé, de ce faquin de Juge ; reposez-vous sur moi.

GUSMAN.

Monsieur, ces sortes de choses ne sont guères souffertes, et il y a bonne Justice en cas....

SILVESTRE.

Je me moque de tout, et je n’ai rien à perdre.

GUSMAN.

Monsieur, ce n’est pas un homme sans amis, et il pourrait trouver quelque appui contre votre ressentiment.

SILVESTRE.

C’est ce que je demande, morbleu ; c’est ce que je demande : ah, tête ; ah, ventre ; que ne le trouvai-je à cette heure, avec tout son secours ; que ne paraît-il ici à mes yeux au milieu de trente personnes ; que ne le vois-je fondre sur moi les armes à la main ? Comment, marauds, vous avez la hardiesse de vous attaquer à moi ?

Il met l’épée à la main, et pousse des bottes de tous côtés, et devant les yeux du Juge.

Allons, morbleu ; tue, point de quartier ; donnons ferme ; poussons ; bon pied, bon œil. Ah, canaille, vous en voulez par là, je vous en ferai tâter votre saoul. Soutenez, marauds, soutenez. Allons, à cette botte, à cette autre, à celle-ci, à celle-là ; comment, vous reculez ? pied ferme, morbleu ; pied ferme.

GUSMAN.

Nous n’en sommes pas.

SILVESTRE.

Voilà qui vous apprendra à vous oser jouer à moi.

GUSMAN.

Voilà bien du sang répandu pour une bagatelle. Et bien, Monsieur, vous voyez quel diable d’homme c’est là.

LE JUGE, bas.

Oui, oh, je me moque de toutes ses menaces.

SILVESTRE.

Ah ventre, jarni, que ne le puis-je trouver ?

LE JUGE.

N’y est-il plus ?

GUSMAN.

Non, non, il est party tout à fait, ne craignez plus rien.

LE JUGE.

Qui, moi ? Oh, en bien faisant on ne craint rien ; et on lui montrera bien les dents quand il le faudra.

GUSMAN.

Oh, je n’en doute pas ! on voit bien que vous êtes un homme ferme.

LE JUGE.

Je m’en vais un peu consulter ce que j’ai à faire, et si on ne me conseille rien de bon là-dessus. J’irai assembler le Village, et on sonnera le tocsin sur vostre Maître et sur vous.

GUSMAN.

La peste soit le vieux fou ; il nous va attirer ici quelque défluxion sur les épaules.

 

 

Scène IV

 

DON JUAN, GUSMAN

 

DON JUAN.

Et bien, Gusman, qu’as-tu fait ?

GUSMAN.

Ma foi, Monsieur, rien qui vaille ; notre vieillard s’est mutiné, il nous menace du tocsin, et cela ne sent rien de bon. Si tous ces diables de Mariniers se mettaient une fois sur nous, gare les coups d’aviron. Si vous m’en croyez, Monsieur, évitez ce désordre, nous ne serions pas les plus forts ici ; rengainez vos amours pour quelque temps, et à la première occasion d’une Barque qui partira nous enlèverons votre jeune Charlotte sous un habit d’homme, ou quelque autre déguisement ; franchement il n’y a point de jeu avec ces canailles-ci, ils seront toujours les plus forts ; et quelque grandeur que vous ayez au dessus d’eux, la quantité l’emportera sur la qualité. Laissez-moi raccommoder tout ceci, et vous retirez seulement, je vais tâcher de rejoindre notre vieux juge, et faire en sorte de le ramadouer un peu.

DON JUAN.

Va donc, j’abandonne tout à ta conduite ; mais tu ne sais pas, Gusman, le malheur qui nous accompagne ?

GUSMAN.

Et qu’y aurait-il de nouveau ?

DON JUAN.

Une Barque marchande vient de mouiller ici, et comme la curiosité m’a porté à voir quelles gens étaient dedans, le premier homme qui s’est présenté à mes yeux, devine qui c’est ?

GUSMAN.

Ma foi, Monsieur, je ne suis point Sorcier.

DON JUAN.

Monsieur Dimanche.

GUSMAN.

Monsieur Dimanche ! Quoi ? Ce persécuteur de Chrétiens ; ce maudit Marchand qui ne saurait laisser vivre en repos ceux qui lui doivent ?

DON JUAN.

Lui-même.

GUSMAN.

Par ma foi, Monsieur, il vaudrait presque autant nous être noyé, que d’avoir encore retrouvé cet homme-là ; et l’avez-vous accueilli à votre ordinaire, par de grands compliments et de belles paroles, que vous lui faites passer pour argent comptant ?

DON JUAN.

Je ne l’ai point abordé, je n’ai pas voulu qu’il me parlât devant d’autres Marchands qui étaient là avec lui ; mais je ne crois pas être longtemps sans le voir ; il m’a vu : et comme je m’esquivais, j’ai bien ouï qu’il s’est informé de moi, en me demandant par mon nom à quelques habitants d’ici.

GUSMAN.

Quel diable d’embarras ! On dit bien vrai, qu’un malheur ne vient jamais sans l’autre. Nous partons joyeux d’un pays où nous sommes endettés, pour aller employer notre crédit ailleurs ; un maudit banc de sable nous fait faire naufrage ; l’amourette vous prend pour une fille promise à un autre ; on nous menace d’ameuter tout le village sur nous ; et pour comble de maux nous trouvons Monsieur Dimanche ; mais ma foi, Monsieur, bon pied, bon œil, le voici, je le reconnais, vous n’avez qu’à vous bien tenir.

DON JUAN.

Paix, paix ; ne dis mot, écoute seulement, je vais payer d’une monnaie toute nouvelle.

 

 

Scène V

 

DON JUAN, GUSMAN, MONSIEUR DIMANCHE

 

DON JUAN.

Ah, que vois-je ? Monsieur Dimanche ici ! quelle heureuse rencontre !

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur...

DON JUAN.

Que je vous embrasse, Monsieur Dimanche.

MONSIEUR DIMANCHE.

En vérité c’est moi, Monsieur, qui suis trop heureux de vous trouver ici, et j’ai bien de la joie que cela serve d’occasion à vider...

DON JUAN.

Vraiment j’ai bien du plaisir à vous voir.

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, c’est beaucoup d’honneur que vous me faites ; mais si vous y vouliez joindre une grâce, je me trouve ici dans quelque besoin, et...

DON JUAN.

Comment se porte Madame Dimanche vostre femme ?

MONSIEUR DIMANCHE.

Fort à votre service, Monsieur. Je voudrais donc vous prier...

DON JUAN.

Je suis son serviteur.

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, je disais donc que si vous aviez la commodité...

DON JUAN.

Et votre fille Mademoiselle Marion ?

MONSIEUR DIMANCHE.

Elle est en bonne santé aussi, Monsieur ; mais...

DON JUAN.

C’est une aimable enfant.

MONSIEUR DIMANCHE.

Elle est bien votre petite servante, Monsieur ; je...

DON JUAN.

Et qui est vraiment bien sage.

MONSIEUR DIMANCHE.

Oh, Monsieur, vous vous moquez d’elle. J’ose prendre la liberté de vous dire, Monsieur, qu’une certaine Lettre de Change que je dois acquitter dans peu m’oblige...

DON JUAN.

Et votre petit garçon fait-il toujours bien du bruit avec son tambour ?

MONSIEUR DIMANCHE.

Oh, Monsieur, il est assez sémillant. Or ça, si vous vouliez que nous parlassions un peu...

DON JUAN.

Il vous ressemble comme deux gouttes d’eau.

MONSIEUR DIMANCHE.

Voyez-vous, Monsieur, dans le négoce si nous ne payons à jour nommé, on proteste d’abord contre nous ; c’est ce qui fait, Monsieur, que nous importunons quelquefois nos débiteurs ; et comme vous m’avez fait l’honneur de prendre...

DON JUAN.

À propos, votre petit Chien est-il encore en vie ?

GUSMAN.

Il s’intéresse pour toute la famille.

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, tout se porte fort bien.

DON JUAN.

En vérité j’en suis fort joyeux, et je vous veux prier de les embrasser tous deux pour l’amour de moi, quand vous retournerez chez vous.

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, si auparavant vous trouvez bon que nous...

DON JUAN, repousse insensiblement Monsieur Dimanche jusques à ce qu’il soit contre la porte, et puis s’en va.

Adieu Monsieur Dimanche, que je vous embrasse.

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur...

DON JUAN.

Je ne vous laisserai point là.

MONSIEUR DIMANCHE.

Mais Monsieur.

DON JUAN.

Je sais trop ce que je vous dois.

MONSIEUR DIMANCHE.

Et oui Monsieur, d’accord, mais le besoin...

DON JUAN.

Allons, allons, permettez-moi de vous conduire.

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, la nécessité de payer...

DON JUAN.

Je ne vous laisserai point là, vous dis-je.

MONSIEUR DIMANCHE.

Mais si...

DON JUAN.

C’est perdre le temps.

MONSIEUR DIMANCHE.

Je...

DON JUAN.

Vous vous moquez.

MONSIEUR DIMANCHE.

Point du tout.

DON JUAN.

Holà hé ? des Flambeaux, et reconduisez Monsieur Dimanche.

MONSIEUR DIMANCHE.

Quel diable d’homme est-ce ci ? Or ça, me payerez-vous de la même monnaie, vous Monsieur Gusman ?

GUSMAN.

Plaît-il, Monsieur ?

MONSIEUR DIMANCHE.

Je vous demande s’il vous souvient bien que vous me devez en votre particulier pour quarante écus d’Étoffe que je vous ai livré ?

GUSMAN.

Comment se porte Madame Dimanche ?

MONSIEUR DIMANCHE.

Oh je n’entends pas raillerie, et...

GUSMAN.

Et votre petit Chien ? Il vous ressemble comme deux gouttes d’eau. Allons donc, je ne vous laisserai point là. Je vous reconduirai, je sais trop mon devoir. Vous vous moquez. Sortez donc, s’il vous plaît, ou que le Diable vous emporte. Bonsoir et bonne nuit. Belle manière de payer ses créanciers. On ne nous rapporte ni argent faux, ni Pistoles légères. Mais voici mon vieux Juge avec son Gendre prétendu ; tâchons de détourner l’orage qu’ils nous apprêtent.

 

 

Scène VI

 

LE JUGE, PIERROT

 

PIERROT.

Pour moi je ne trouve rien de meilleur pour nos affaires que de crier haro sur ce diable de Monsieur qui veut tuer les Hommes, et prendre les Femmes. Palsangué, faites comme moi, je crierons l’alarme.

Le Juge et Pierrot se mettent à crier alarme et au feu tous deux ensemble.

 

 

Scène VII

 

LE JUGE, PIERROT, GUSMAN

 

GUSMAN, leur parlant.

Et qu’y a-t-il, Messieurs ? à quoi bon tout ce vacarme ? Vous inquiétez-vous ? J’ai tourné l’esprit de mon maître tout comme vous le souhaitez ; il ne s’oppose plus à votre mariage, au contraire il prétend être de la noce. Il en payera le Festin, et même il se retient pour être le compère au premier Enfant que vous aurez.

PIERROT.

Oh pargué, vela un honnête homme cela. Oh bian vous li diré pour l’amour de cela que je sommes son sarviteur, et que j’allons décrier l’alarme et boire à sa santé. Venez payer chopaine.

PDF