Le Temple de mémoire (Jacques-Philippe D’ORNEVAL - Louis FUZELIER - Alain-René LESAGE)
Sous-titre : les noces de la Folie
Pièce en un acte.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Foire Saint-Laurent, en 1735.
Personnages
LA FOLIE
PIERROT, son confident
LA RENOMMÉE
UN CONQUÉRANT
UN MEUNIER, richement vêtu
UN PEINTRE Arlequin
MONSIEUR PRÔNE-VERS, bel esprit
MONSIEUR TOUT-UNI, poète
TROIS AUTRES POÈTES
DANSEURS, représentant les différentes conditions des hommes
DANSEUSES, suivantes de la Folie
La scène est au bas de la montagne sur laquelle est bâti le Temple de Mémoire.
Le théâtre représente une solitude. On voit dans l’enfoncement un mont escarpé de tous côtés.
Scène première
LA FOLIE, PIERROT
La Folie arrive d’un air triste et rêveur.
PIERROT.
Air n° 79, ou Talalerire.
Quoi donc ! la Folie est rêveuse !
Elle a perdu sa belle humeur !
LA FOLIE.
Pierrot, que je suis malheureuse !
PIERROT.
Ouvrez-moi votre petit cœur.
Qui peut vous empêcher de dire :
Talaleri, talaleri, talalerire ?
LA FOLIE, soupirant.
Ahi !
PIERROT.
Hé bien ?
LA FOLIE.
Air n° 190, ou On dit qu’Amour est si charmant.
On dit que l’hymen est si doux :
N’aurai-je jamais un époux ?
Quoi ! pas un, parmi tant de fous,
Ne veut de la Folie !
N’aurai-je jamais un époux,
Moi qui suis si jolie ?
PIERROT, riant.
Ha, ha, ha, ha, ha : vous vous moquez de Pierrot, votre fidèle confident. Le mariage est une affaire trop sérieuse pour vous.
LA FOLIE.
Cela est vrai ; cependant la fantaisie de me marier me tient depuis longtemps ; mais j’en suis bien punie, puisque je ne puis la satisfaire.
PIERROT.
Air n° 191, ou Pour le mariage, bon.
Ma foi, vous me surprenez :
Je vois pourtant sur vos traces
Mille amants passionnés
Rechercher vos bonnes grâces.
LA FOLIE.
Pour le badinage,
Bon ;
Pour le mariage,
Non.
PIERROT.
Vous faites peut-être trop la difficile.
LA FOLIE.
Au contraire.
Air n° 461, ou de Joconde.
J’ai fait publier, mais en vain,
Sur la terre et sur l’onde,
Que je voulais donner ma main
Au plus grand fou du monde :
Personne avec moi n’est tenté
De se mettre en ménage ;
C’est que, grâce à la vanité,
Chaque fou se croit sage.
PIERROT.
Voilà ce que c’est. Hé ! ventrebille ! pourquoi aussi vous montrer aux hommes telle que vous êtes ?
Air n° 192, ou Je ne m’en soucie guère.
Dans ces sortes d’affaires,
Si les filles sincères,
Allaient montrer leurs rats,
On n’en marierait guères ;
Si l’on voyait leurs rats,
On n’en marierait pas.
LA FOLIE.
Tu as raison ; mais ne sais-tu pas que mes défauts font tout mon mérite ? Si je les cache, adieu mes courtisans.
PIERROT.
Hé bien, conservez vos défauts ; mais, changez et d’habit et de nom ; car, voyez-vous, c’est ça qui gâte tout.
LA FOLIE.
Tu l’as dit.
PIERROT.
Air n° 193, ou Je passe la nuit et le jour.
Il faudrait trouver un beau nom
De divinité chimérique.
J’y veux rêver... Le voici... Non,
Il n’est pas assez magnifique...
Arrêtons-nous à celui-là.
Oui, je le tiens. Il est bon là...
Ce n’est pas ça,
Ce n’est pas ça...
Ha, ha ! pour le coup m’y voilà !
LA FOLIE.
Voyons un peu l’effort de cette imaginative.
PIERROT.
Faites-vous...
Il se prend à rire.
ous, ous, ous, ous, ous.
LA FOLIE.
Explique-toi donc.
PIERROT.
Faites-vous appeler.
Il continue de rire.
er, er, er, er, er, er.
LA FOLIE.
Air n° 143, ou Nous sommes précepteurs d’amour.
Mais enfin nous parlerez-vous ?
PIERROT.
Faites-vous appeler la Gloire.
Et promettez à votre époux
Qu’il vivra toujours dans l’histoire.
LA FOLIE.
Ah ! mon ami, l’heureuse idée qui t’est venue là !
PIERROT.
Air n° 194, ou Pierrot, revenant du moulin.
Ce n’est pas sans raison qu’on dit (bis.)
Que je suis un garçon d’esprit.
LA FOLIE.
Pierrot, Pierrot, tu n’es pas sot,
Tu n’es pas sot, Pierrot,
PIERROT.
Il faudra de plus que...
LA FOLIE, l’interrompant.
Oh ! je n’ai pas besoin que tu m’en dises davantage, je vois d’un coup d’œil tout ce qu’il faut que je fasse pour l’exécution d’un si beau projet.
En cet endroit on entend la trompette de la Renommée qui joue en ritournelle l’air suivant.
Ha ! j’entends la Renommée, elle passe par ici fort à propos.
Elle appelle
Holà ! hé ! la Renommée ! à moi ! un mot.
Scène II
LA FOLIE, PIERROT, LA RENOMMÉE
LA RENOMMÉE.
Air n° 195, ou Réveillez-vous, belle endormie.
Me voici, déesse follette.
Commandez ; que me voulez-vous ?
Faut-il encor que ma trompette,
Pour servir vos feux, s’entremette ?
Faut-il encor que ma trompette
Vous aille chercher un époux ?
LA FOLIE.
Oui ; mais ce n’est plus sous le nom de Folie qu’il faut m’annoncer ; c’est sous le nom de Gloire.
LA RENOMMÉE, riant.
Ho ! ho !
PIERROT, portant le doigt à son front.
Ça part de là ; c’est moi qui ai trouvé ce nom-là pour emboiser les hommes.
LA RENOMMÉE.
Air n° 196, ou Voyelles modernes.
L’entreprise est jolie,
Elle réussira a, a, a,
Tel qui fuit la Folie,
Avec plaisir voudra a, a, a,
Pour être mis dans l’histoire,
Devenir le mari,
Biribi,
De la Gloire,
De la Gloire.
LA FOLIE.
Je le crois ; je vais bâtir tout à l’heure un temple que j’appellerai le Temple de Mémoire. Va prôner cela à tous les mortels.
Air n° 60, ou Philis plus avare que tendre.
Pour les engager à me suivre,
Ma mignonne tu leur diras
Que je prétends faire revivre
Mon époux après son trépas.
PIERROT.
Jarnonbille ! le bon hameçon !
LA RENOMMÉE.
Le succès en est sûr.
LA FOLIE.
Air n° 189, ou Laissons là la fumée.
Porte cette nouvelle
Chez nos fameux guerriers.
PIERROT.
Songez aussi, la belle,
À nos mâche-lauriers.
Ce sont des amateurs de fumée.
LA RENOMMÉE.
Je pars, adieu ; laissez faire la Renommée.
La Renommée embouche sa trompette en partant, et joue le même air qu’en entrant.
Scène III
LA FOLIE, PIERROT
LA FOLIE.
Je vais, avant toutes choses, bâtir mon temple.
PIERROT.
Je vous le conseille.
LA FOLIE.
Cela sera fait dans le moment ; ma marotte fera l’office de la baguette d’une fée.
Elle lève sa marotte, et fait des gestes d’enchanteur en chantant le couplet suivant.
Air n° 197, ou Dans le bosquet, l’autre matin. (de la Dot.)
Temple, que je bâtis en l’air
Pour éblouir l’humaine engeance,
Aussi promptement que l’éclair,
Prends une trompeuse existence :
Temple, sers d’archives aux grands noms ;
Deviens mes petites-maisons.
Aussitôt le temple de mémoire s’élève sur la pointe du mont escarpé. C’est un petit dôme bleu et or.
PIERROT.
Jarnicoton ! que les grands hommes seront bien logés là-haut !
LA FOLIE.
Il ne me reste plus qu’à prendre un habit convenable au rôle sérieux que je dois jouer : Je vais revenir ; en attendant, s’il arrive quelque épouseur, tu le recevras, après avoir examiné s’il est digne de moi.
PIERROT.
Allez, je sais ce qu’il vous faut.
Scène IV
PIERROT, seul
Air n° 198, ou Nous verrons des fous.
De galants quelle foire
Va se tenir chez nous !
Et qu’aux trousses de la Gloire
Nous verrons de, ouistanvoire,
Nous verrons de, tire,
Lirelire,
Nous verrons de fous !
Je crois qu’en voilà déjà un qui vient. Ventre-de-moi ! que la Renommée fait de chemin en peu de temps !
Scène V
PIERROT, UN CONQUÉRANT
LE CONQUÉRANT, à part, sans apercevoir Pierrot.
Air n° 199, ou du l’opéra de Roland.
La Gloire nous appelle,
Ne soupirons plus que pour elle.
PIERROT, à part.
Je ne me suis pas trompé.
LE CONQUÉRANT, toujours à part.
La Gloire nous appelle,
Ne soupirons plus que pour elle.
Ha ! que vois-je ? c’est là sans doute ce temple de mémoire dont je viens d’entendre parler ; cherchons une route pour y monter.
Il s’avance vers le mont ; Pierrot l’arrête.
PIERROT.
Halte-là !
LE CONQUÉRANT.
Qui es-tu ici, toi qui m’arrêtes ?
PIERROT, se carrant.
Je suis le confident de la Gloire, et son maître des cérémonies.
LE CONQUÉRANT.
J’en suis ravi. Présente-moi donc à elle : je viens pour l’épouser.
PIERROT.
Elle va paraître. Elle est à sa toilette. Dites-moi en attendant qui vous êtes.
LE CONQUÉRANT.
Air n° 200, ou Je suis né pour conquérir la terre.
Je suis né pour conquérir la terre,
Et je vent tout soumettre à ma loi.
Non, le dieu qui lance le tonnerre
N’est pas plus redoutable que moi.
Je suis un dragon,
Un vrai démon,
Dans les combats ;
Parmi les boulets,
Les pistolets,
Les coutelas,
Je prends mes plus doux ébats.
PIERROT, à part sur le ton du dernier vers.
Têtebleu ! quel fier-à-bras !
LE CONQUÉRANT.
Quel plaisir de chamailler, de piller, de saccager, de brûler ! quelle volupté !
PIERROT, à part.
Mais, mais c’est un diable que cet homme-là.
LE CONQUÉRANT.
Air n° 201, ou La raison s’en va bon train.
Je me plais à voir mes mains
Teintes du sang des humains.
Je veux sous mes coups
Les abattre tous.
PIERROT.
L’étrange caractère !
Pour moi, je tiens qu’il est moins doux
D’en tuer que d’en faire,
Lonla,
D’en tuer que d’en faire.
LE CONQUÉRANT.
Non, non ; les horreurs de la guerre doivent faire les délices des belles âmes.
PIERROT.
Oui, et ces belles âmes ne se font pas conscience de prendre ce qui ne leur appartient pas.
LE CONQUÉRANT.
Apprends, mon cher, que tout nous appartient par le droit de conquête.
PIERROT.
Air n° 22, ou À la façon de Barbari.
Mais expliquez-moi, s’il vous plaît,
Votre droit de conquête.
En vain, pour savoir ce que c’est,
Je rumine en ma tête.
LE CONQUÉRANT.
Quand on a de bons escadrons,
De gros bataillons,
Et force canons,
On a droit sur le bien d’autrui.
PIERROT.
Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami.
Mais, monsieur le fendeur de naseaux, vous y serez attrapé à la fin.
Air n° 202, ou Pour esquiver en vingt combats.
Vous esquivez en vingt combats
Le trépas ;
Une balle vient par hasard
Tout d’travers,
Qui vous jette mon gaillard
À l’envers.
LE CONQUÉRANT.
Hé bien ! après cela aussi, je serai placé dans ce temple : je vivrai toujours dans l’histoire.
PIERROT.
Air n° 4, ou Ô reguingué ! ô lonlanla !
Vous trouvez que c’est un beau sort,
De vivre après que l’on est mort ?
Ô reguingué ! ô lonlanla !
Quant à moi, toute mon envie,
C’est de vivre pendant ma vie.
LE CONQUÉRANT.
Euh ! le poltron ! mérites-tu d’être auprès de la Gloire ?
PIERROT.
Oh ! je n’y suis pas pour la chose des armes ; j’y suis pour les sciences ; mais, tenez, voici la Gloire, je vais vous présenter à elle.
Scène VI
LE CONQUÉRANT, PIERROT, LA FOLIE, avec son habit de gloire, ayant une couronne sur la tête, et une palme à la main
PIERROT.
Air n° 203, ou Le tambourineur.
Vous voyez un guerrier, madame,
Que le nom de la gloire enflamme :
Pour vos yeux une vive ardeur
Fait pretintin, pretan, tambouriner son âme ;
Pour vos yeux une vive ardeur
Fait, pretintin, pretantan,
Rite rita plan,
Pretan, tambouriner son cœur.
LE CONQUÉRANT.
Air n° 204, ou Les fanatiques que je crains.
Idole des enfants de Mars,
Aimable enchanteresse !
J’ai bravé tous les hasards,
J’ai fait mainte prouesse.
Daignez par vos doux regards
Approuver ma tendresse.
LA FOLIE.
Vous avez donc été frappé des belles choses qu’a dites de moi la Renommée ?
LE CONQUÉRANT.
Oui, charmante immortelle. J’ai été ravi d’apprendre qu’il y eût une divinité que j’adorais sans la connaître ; et je sens redoubler mes feux, depuis que je la connais.
PIERROT, à la Folie.
Air n° 205, ou Hé, bon, ton, bon ! hé, frou, frou, frou !
Si vous en croyez Pierrot,
Voilà votre vrai ballot.
Hé, boa, bon, bon ! hé, frou, frou, frou !
Personne sur la terre
Ne vous duit mieux que ce fou,
Que ce foudre de guerre.
LA FOLIE, au conquérant, lui tendant la main.
Air n° 206, ou Mon brave capitaine.
Mon brave capitaine,
Lassi,
Lasson,
Lasson, bredondaine ;
Mon brave capitaine,
Vous serez mon mari :
Patati,
Pataton,
Le gentil !
Le mignon !
Vous serez mon mari,
Vous serez mon mari.
Une si belle chaîne,
Lassi,
Lasson,
Lasson, bredondaine ;
Une si belle chaîne
Vous sauve de l’oubli.
PIERROT, à part, sur le ton du dernier vers.
Le voilà bien loti !
LE CONQUÉRANT, baisant la main de la Folie.
De quelle joie je me sens transporté !
LA FOLIE.
Montez au temple de mémoire. J’irai vous y joindre dans un moment.
Le conquérant fait la révérence, et se retire.
Scène VII
LA FOLIE, PIERROT
LA FOLIE.
Air n° 207, ou Ah ! qu’il y va gaiement !
N’admires-tu pas mon amant ?
Ah ! qu’il y va gaiement !
PIERROT.
Il croit vivre éternellement,
Dans le temple de mémoire.
Ah ! qu’il y va, belle Gloire,
Ah ! qu’il y va gaiment !
Il en va venir bien d’autres, je vous conseille de les écouter tous, et de choisir celui...
LA FOLIE, l’interrompant.
Je sais ce que j’ai à faire là-dessus ; va dans mon temple recevoir les amans que j’y enverrai.
PIERROT, s’en allant.
En voilà un nouveau qui vient en chaise à porteur.
Scène VIII
LA FOLIE, UN MEUNIER, richement vêtu, arrivant dans une chaise à porteur
LA FOLIE, à part.
Il paraît homme de conséquence.
LE MEUNIER, saluant grossièrement.
Madame... je vou... je vou...
LA FOLIE.
Qu’y a-t-il pour votre service ?
LE MEUNIER.
Je voudrions bian savoir comme ça où c’est que je pourrions trouver la Gloire.
LA FOLIE, riant.
Ha, ha, ha, ha ! ce n’est qu’un manant !
LE MEUNIER.
Air n° 129, ou Ton humeur est, Catherine.
Morgué, vous me feriaiz croire
Que c’est vous, car vous riez.
LA FOLIE.
Oui, l’ami, tu vois ta gloire
De la tête jusqu’aux pieds.
Dans ces lieux que viens-tu faire ?
LE MEUNIER.
J’y vians vous parler d’amour.
Vous seraiz ma minagère,
Si vous voulez, drès ce jour.
LA FOLIE.
Tu n’y penses pas ; me convient-il d’épouser un paysan ?
LE MEUNIER.
Oh ! si j’avons été paysan, je ne le sommes pus. Ne le voyez-vous pas bian à mon habit ? Je regorge de bian ; il ne me faut pus à d’heure que de l’honneur.
LA FOLIE.
Quel commerce as-tu fait pour t’enrichir ?
LE MEUNIER.
J’ai été meugnier.
LA FOLIE.
Air n° 80, ou Qu’auprès d’un jeune homme on étale.
Pour se mettre à son aise,
C’est donc un bon métier ?
LE MEUNIER.
Il vaut, ne vous déplaise,
Celui d’un maltoutier.
LA FOLIE.
Diantre !
LE MEUNIER.
L’y a cinq ans que j’avais déjà amassé par mon savoir-faire pus de soixante mille francs, quand le signeur de Châtiau-l’Asnier, de qui je tenois le moulin, se défesit de sa tarre ; et ce fut un agioteux, nommé monsieu Bariolet, qui l’achetit six cents bonnes mille livres, papier sur table[1].
LA FOLIE.
En espèces courantes.
LE MEUNIER.
Air n° 208, ou Femmes, voulez-vous éprouver.
Dame, ce monsieu Bariolet
Boutit d’abord tout par écuelles.
Ce n’était cheux li, s’il vous plaît,
Qu’écornifleux, que damoiselles.
Tant-y-a, qu’il mangit tout son bian,
En menant si joyeuse vi i i i i i ie ;
Et drès qu’on ne lit vit pus rian,
Chacun li faussit compagni i i i i ie.
LA FOLIE.
C’est-à-dire, qu’il ne lui resta plus que sa terre.
LE MEUNIER.
Tout juste. Un biau matin je le vis arriver à mon moulin d’un air honnête : Bonjour, maître Pille-grain, me dit-il. Comment va le train ? À votre sarvice, monsigneur, ce li fis-je. Pargoi, me dit-il, je sais que t’es un pendard qui a de vieux écus ; voudraiz-tu bian, ce fit-il, me prêter un millier de pistoles ? Oui-dà, li dis-je. Et te les li baillis tout comptant.
LA FOLIE.
Air n° 157, ou Adieu, panier, vendanges sont faites.
On vit revenir les fillettes
Tant que durèrent les écus ?
LE MEUNIER.
Oui ; mais d’abord qu’il n’en eut pus,
Adieu pagniers, vendanges sont faites.
LA FOLIE.
Il revint au moulin, n’est-ce pas ?
LE MEUNIER.
Belle demande ! et je li prêtis encore quinze mille francs qu’il me demandit.
LA FOLIE.
Il en fit le même usage ?
LE MEUNIER.
Ça fut itout biantôt fricassé. Enfin finale, il revint tant de fois au moulin, qu’il se trouvit au bout du compte que je li avais baillé quatre-vingt mille francs. Tout pendant ce temps-là, je vivions comme deux frères ; mais, comme dit l’autre, au prêter cousin germain, et au rendre fi le vilain !
LA FOLIE.
Je t’entends, tu fus obligé de le plaider pour ravoir ton argent.
LE MEUNIER.
Oui, serpedié ! il fallut bian en découdre.
Air n° 6, ou Guillot auprès de Guillemette.
Je fis venir sa signeurie
Dans le barriau,
Puis je jettis une sasie
Sur le châtiau :
À la parfin, j’avons l’honneur
D’en être devenu signeur.
LA FOLIE.
Et que fait à présent ce pauvre diable de Bariolet ?
LE MEUNIER.
Il a pris ma place, je l’ai fait mon meugnier.
LA FOLIE.
Maître Pille-grain, nouveau seigneur de Château-l’Anier, je prévois ce qui arrivera.
LE MEUNIER.
Quoi ?
LA FOLIE.
Vous ferez comme Bariolet, et Bariolet fera comme vous avez fait. Vous allez dépenser, il va amasser, et il rentrera dans sa terre.
LE MEUNIER.
Et moi dans mon moulin, jusqu’à ce qu’il y revienne. Je jouerons aux barres.
LA FOLIE.
Tu ne pouvais manquer de me plaire avec des sentiments si raisonnables.
Air n° 10, ou Ne m’entendez-vous pas ?
Ah ! qu’il me sera doux
D’unir ma destinée,
Par les nœuds d’hyménée,
Avec un tel époux !
LE MEUNIER.
Bon ! la vache est à nous !
LA FOLIE.
Va m’attendre dans mon temple.
Il salue, et s’en va.
Scène IX
LA FOLIE, UN PEINTRE arlequin
LE PEINTRE.
Air n° 209, ou Vraiment, ma commère, voire.
N’épouse-t-on pas ici ?
LA FOLIE.
Ouidà, mon compère, oui.
LE PEINTRE.
Et n’êtes-vous pas la gloire ?
LA FOLIE.
Vraiment, mon compère, voire,
Vraiment, mon compère, oui.
LE PEINTRE.
Ah ! charmante Gloire ! votre vue amis le feu aux quatre coins de mon cœur ! Pour éteindre cet incendie, j’ai recours aux pompes de vos bontés.
Il veut la caresser.
LA FOLIE, le repoussant.
Air n° 210, ou Hé, zing, zing, zing.
L’ami, tout doux !
Craignez d’attirer mon courroux.
Quelles qualités avez-vous,
Pour vouloir être mon époux ?
LE PEINTRE.
Je suis, ma petite,
Tout plein de mérite,
Et surtout un bon gaillard,
Qui ne fera point lit à part.
Hé, zing, zing, zing.
Madame la marié’,
Cla, cla, cla,
Lira, lironfa,
Gué, gué, gué,
Le joli panier
Va danser.
LA FOLIE.
Doucement ! vous me paraissez un plaisant original. Qui êtes-vous ?
LE PEINTRE.
Air n° 211, ou Guéredin, din, din, din, din.
Je suis un homme tout divin,
Qui meurt de soif et de faim :
Je suis, malgré la censure,
En grand, comme en miniature,
Le rival de la nature,
Ture, ture, turelure, lure ;
Déesse, je suis peintre enfin.
Guéredin, din,
Guéredin, din, din,
Guéredin, din, din, din, din.
LA FOLIE.
Ah ! vous êtes peintre ! Effectivement, vous avez là un habit enluminé, qui ne convient pas mal à votre profession.
LE PEINTRE.
C’est ma palette, quand je travaille. Me faut-il du rouge ? tac,
Il fait l’action de prendre, avec un pinceau, de la couleur sur son habit.
j’en prends ici ; du bleu ? toc, j’en prends là ; du blanc ? de ce côté-ci ; du jaune ? de celui-là.
LA FOLIE, lui mettant le doigt sur le front.
Et du vert, vous en prenez là.
LE PEINTRE.
Vous touchez là l’étui de la plus fertile imagination du monde.
LA FOLIE.
Je le crois.
Air n° 36, ou De tous les capucins du monde.
Et dans quel genre de peinture
Excellez-vous ?
LE PEINTRE.
En portraiture.
Mes ouvrages sont ressemblants.
LA FOLIE.
Je gage de vous faire père
De demi-douzaine d’enfants,
Qui ne vous ressembleront guère.
LE PEINTRE.
Vous vous égayez, madame la Gloire.
LA FOLIE.
Mais, avec toute votre habileté, vous ne pouvez éloigner de vous la gueuserie.
LE PEINTRE.
Ma foi, nous sommes faits à présent l’un à l’autre ; nous avons bien la mine de ne nous point quitter.
LA FOLIE.
Tant pis. Eh ! quelle rage avez-vous de vouloir épouser la Gloire, qui n’a point d’autre dot à vous apporter que de la fumée ?
LE PEINTRE.
Ah ! cette noble fumée m’est plus chère que toutes les mines du Pérou.
LA FOLIE.
Air n° 23, ou Laire la, laire lanlaire.
Mon enfant, vous feriez bien mieux,
Croyez moi, de jeter les yeux
Sur quelque bonne boulangère.
LE PEINTRE, branlant la tête.
Laire la, laire, lanlaire,
Laire la, Laire lanla.
LA FOLIE.
Air n° 212, ou Belle brune que j’adore.
Si je comblais votre envie,
Noble ouvrier, (bis.)
Vous finiriez votre vie
Sur un fumier. (bis.)
LE PEINTRE.
Avec vous j’y mourrais heureux.
LA FOLIE.
Vivent les gueux !
Je vous aime de cette humeur-là. Et je ne vous ai contredit d’abord que pour vous éprouver.
LE PEINTRE, charmé.
Est-il vrai ?
LA FOLIE.
Air n° 213, ou Si mon ami reste.
Que je suis charmée,
Dans ce doux moment,
De me voir aimée
Si parfaitement !
Vous serez, dès ce jour-ci,
Mon gen, mon gen,
Mon gentil petit mari.
LE PEINTRE.
Je ne me possède pas !
LA FOLIE.
Allez de ce pas prendre possession de votre demeure immortelle.
Il se retire.
Scène X
LA FOLIE, MONSIEUR TOUT-UNI, poète
LA FOLIE, à part.
Voici un cavalier qui a l’air sage et prudent : est-il possible qu’il vienne pour m’épouser ?
MONSIEUR TOUT-UNI.
Air n° 56, ou Landeriri.
Je suis un poêle fameux,
Éclos depuis un mois ou deux,
Landerirette ;
Et je m’appelle Tout-uni,
Landeriri.
LA FOLIE.
Ma foi, M. Tout-uni, à votre doux maintien je ne vous aurais jamais pris pour un poète.
MONSIEUR TOUT-UNI.
Vous voyez pourtant l’auteur d’un[2] poème épique qui doit me valoir votre main, et la première niche dans votre temple ; Daignez m’y conduire, brillante déesse.
Il la prend par la main, et chante.
Air n° 214, ou refrain de l’air, Allons à la guinguette.
Allons, courrons, volons,
Au temple de mémoire, allons.
Scène XI
LA FOLIE, MONSIEUR TOUT-UNI, MONSIEUR PRÔNE-VERS[3]
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Il arrête M. Tout-uni, en chantant sur l’air précédent.
Tout beau ! tout beau ! tout beau !
Halte là ! poète nouveau !
MONSIEUR TOUT-UNI.
À qui en veut ce drôle-là ?
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
À qui pensez-vous parler, moi ami ? Pouvez-vous méconnaître monsieur Prône-Vers, l’Éphestion de l’Alexandre des poètes, le héraut de ses merveilleuses productions ?
Air n° 201, ou Ma raison s’en va beau train.
Oui, la Renommée en vain,
Avec cent bouches d’airain,
Célèbre eu tous lieux,
Porte jusqu’aux cieux
Ce phénix des poètes ;
Mon seul gosier le sert bien mieux
Que toutes ses trompettes,
Bien mieux
Que toutes ses trompettes.
LA FOLIE.
Votre ami, apparemment, n’est pas un faiseur de ballets, et son atelier n’est point à l’Opéra.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Fi donc, à l’Opéra !
LA FOLIE.
Hé, quelle place occupe-t-il dans le double vallon ?
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Mon illustrissime ami est le célébrissime auteur d’un élégantissime[4] poème épique, qui efface tous les poèmes passés, présents et à venir.
LA FOLIE.
Ha ! ha ! vos épithètes hyperboliques m’apprennent le nom de votre Homère.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Air n° 18, ou Lanturlu.
Quel ouvrage égale
Ce tissu divin ?
Perle orientale
S’y mêle à l’or fin :
Partout il étale
Riche lambeau.
MONSIEUR TOUT-UNI.
Bien cousu !
Lanturlu, lanturlu, lanturelu.
LA FOLIE.
Ho çà, M. Prône-vers, puisque vous faites bourse commune de réputation avec votre ami, permettez-moi de vous critiquer solidairement, et de vous adresser la parole.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Oui-dà !
LA FOLIE.
Air n° 107, ou Sens dessus dessous.
Dans ce poème si vanté, (bis.)
L’art se trouve un peu maltraité : (bis.)
Vous arrangez votre matière
Sens dessus dessous,
Sens devant derrière ;
Et les bons morceaux y sont tous
Sens devant derrière,
Sens dessus dessous.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Air n° 215, ou Belle brune, belle brune.
Quel blasphème !
Quel blasphème !
Dire qu’il est des défauts
Dans le plus parfait poème !
Quel blasphème !
Quel blasphème !
Quoi ! par exemple, vous n’admirez pas les amours du héros de notre livre ?
LA FOLIE.
Il faut vous donner une louange, vous n’avez pas pillé cet endroit-là de l’Enéide ; vous avez retranché des amours de votre héros tout le cérémonial des passions délicates ; vous ne le faites point languir. On pourrait dire de lui et de sa dame :
Blaise, revenant des champs,
Tout dandinant,
Tout dandinant,
Rencontra la femme à Jean,
Et puis ils s’en furent
Dans une masure.
MONSIEUR TOUT-UNI, ricanant.
On ne me reprochera pas de pareilles bévues.
MONSIEUR PRÔNE-VERS, à M. Tout-Uni.
Air n° 69, ou Ta plainte me désespère.
Ne faites point tant l’habile,
Monsieur Je nouveau venu ;
La veille très inconnu,
Le lendemain un Virgile :
On ignorait votre nom,
Il court à présent la ville ;
On ignorait votre nom,
Il court comme un mirliton.
MONSIEUR TOUT-UNI.
Air n° 7, ou Tu croyais, en aimant Colette.
À votre esprit rendez le calme.
En vain vous voulez contester,
Les cafés me donnent la palme.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Bon ! ce n’est que pour nous l’ôter.
Mais laissons là la dispute. Charmante Gloire, je suis chargé de la procuration de mon ami pour vous épouser en son nom, et prendre possession dans votre temple, du premier piédestal, qui lui appartient de droit.
LA FOLIE.
Air n° 32, ou Chantez, dansez, amusez-vous. (De la Rosière.)
Sur le piédestal qu’aujourd’hui
Il veut au temple de mémoire,
On vous mettra derrière lui,
Représentant une victoire,
Qui d’un laurier qu’elle tiendra
Fièrement le couronnera.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Fort bien ; ne différons plus, partons.
Scène XII
LA FOLIE, MONSIEUR TOUT-UNI, MONSIEUR PRÔNE-VERS, DEUX POÈTES
PREMIER POÈTE, au second.
Vous verrez que la Gloire s’expliquera en ma faveur.
DEUXIÈME POÈTE, au premier.
Vous verrez que j’aurai la préférence.
LA FOLIE.
Qui êtes-vous, messieurs ?
PREMIER POÈTE.
Nous sommes deux auteurs de poèmes épiques.
LA FOLIE.
Encore des poèmes !
PREMIER POÈTE.
J’ai chanté les Géants[5].
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
La matière est élevée.
DEUXIÈME POÈTE.
Et moi je chante le Jason des Indes[6], ou la conquête des mines du Potosi.
MONSIEUR TOUT-UNI.
La matière est riche.
Scène XIII
LES MÊMES, UN TROISIÈME POÈTE
TROISIÈME POÈTE.
Place ! place à l’auteur d’un fameux poème épique !
LA FOLIE.
Miséricorde ! Nous allons essuyer un déluge de poèmes.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Et peut-on savoir le nom du héros que vous avez célébré ?
LA FOLIE.
Air n° 12, ou Réveillez-vous, belle endormie.
C’est sans doute un grand capitaine.
TROISIÈME POÈTE.
Celui dont ma muse a fait choix,
À beaucoup honoré la scène
De nos[7] comédiens français.
LA FOLIE.
Est-ce Pompée ?
TROISIÈME POÈTE.
Non.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Mitridate ?
TROISIÈME POÈTE.
Non.
MONSIEUR TOUT-UNI.
Sertorius ?
TROISIÈME POÈTE.
Non.
PREMIER POÈTE.
Romulus ?
TROISIÈME POÈTE.
Non.
DEUXIÈME POÈTE.
C’est peut-être Œdipe ?
TROISIÈME POÈTE.
Non. C’est Cartouche[8].
Ils se mettent tous à rire.
LA FOLIE.
Cartouche ! il doit y avoir de vilains chants dans ce poème-là.
MONSIEUR PRÔNE-VERS, à la Folie.
Ne vous arrêtez point à tous ces poétereaux. Venez avec moi au temple.
Air n° 183, ou Ma commère, quand je danse.
Pour mon ami, ma déesse,
J’y recevrai votre foi.
MONSIEUR TOUT-UNI.
C’est plutôt à ma tendresse
Que vous devez cet octroi.
PREMIER POÈTE, à M. Tout-uni.
C’est bien pour toi !
MONSIEUR TOUT-UNI.
Oui, c’est pour moi.
Tous ensemble, se poussant les uns les autres.
Non, c’est pour moi,
C’est pour moi,
C’est pour moi !
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
N’écoutez point, ma déesse,
Ces auteurs de bas aloi.
Ils s’empressent tous à suivre la Folie, qui se dispose à monter au temple, lorsque le conquérant, le meunier et le peintre reviennent, qui les arrêtent.
Scène XIV
LES MÊMES, LE CONQUÉRANT, LE MEUNIER, LE PEINTRE
LE MEUNIER.
Air n° 216, ou Allons voir, allons voir, allons voir.
Allons voir, allons voir, allons voir
Ce que nous dira la Gloire ;
Allons voir, allons voir, allons voir
Qui de nous la doit avoir.
LE CONQUÉRANT, à la Folie.
Déesse, ne m’avez-vous pas promis de m’épouser ?
LA FOLIE.
Oui, vraiment.
LE PEINTRE.
Ne m’avez-vous pas donné votre parole ?
LA FOLIE.
Oui.
LE MEUNIER.
Est-ce qu’ous m’auriaiz baillé une colle !
LA FOLIE.
Non.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
C’est moi qui l’emporterai.
MONSIEUR TOUT-UNI.
P r r r !
LA FOLIE.
Point de bruit, je vais vous mettre tous d’accord. Approchez, touchez là.
Elle leur tend à tous la main.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Qu’est-ce que cela signifie ?
LA FOLIE.
Cela signifie que vous êtes tous mes maris.
Air n° 217, ou Connaissez-vous Marotte.
Connaissez-vous Marotte,
Mignonne la femme à tretous ?
Elle déboutonne ici sa robe de Gloire, pour faire voir son habit de Folie qui est dessous. Elle prend sa marotte qu’elle avait pendue à sa ceinture, et achève l’air.
Sous cette redingote,
Mes amis, la voici :
Et la tretin, treti,
Et la tretin, tretous,
Et la femme à tretous.
Tous ensemble, criant.
Ah !
LA FOLIE.
Air n° 218, ou Pour la baronne.
Que la Folie } (bis.)
Vous montre votre vanité. }
La Gloire, à qui l’hymen vous lie,
N’est autre chose, en vérité,
Que la Folie.
LE CONQUÉRANT.
Hélas ! qui l’aurait dit ?
LE PEINTRE, au Conquérant.
Rodrigue ! l’eusses-tu cru ?
LE MEUNIER.
Jarnigoi ! j’y ai été bian attrapé ?
LA FOLIE.
Il y en aura bien d’autres.
MONSIEUR PRÔNE-VERS.
Je crois que vous voulez épouser toute la terre.
LA FOLIE.
Air n° 36, ou De tous les capucins du monde.
Oh ! ma foi, vous le pouvez croire !
Je prétends, sous le nom de Gloire,
Prendre tous venants pour maris.
MONSIEUR TOUT-UNI.
D’où vous vient cette fantaisie ?
LA FOLIE.
C’est pour me venger du mépris
Qu’ils ont tous fait de la folie.
Tenez, en voici de nouveaux qui viennent se présenter. Je vais les recevoir aussi au nombre de mes époux.
En même temps on voit paraître les danseurs, qui représentent les différentes conditions des hommes.
LE PEINTRE.
Il faut avaler le goujon de bonne grâce. Allons, camarades co-époux, célébrons nos noces à frais communs.
LA FOLIE.
Venez, mes suivantes, venez seconder mes maris.
Les danseuses, qui représentent les suivantes de la Folie, paraissent aussitôt.
Scène XV
LES MÊMES, DANSEURS et DANSEUSES, PIERROT
On forme des danses, après lesquelles on chante le vaudeville.
Vaudeville.
Air n° 219, ou Un Crésus jadis domestique.
Premier couplet.
LE PEINTRE.
Un Crésus, jadis domestique,
A fait bâtir un grand hôtel ;
Par ce monument magnifique,
Il prétend se rendre immortel :
Hé, vraiment voire !
Ziste, zeste, et lonlanla,
Monsieur Jasmin, vous voilà
Dans le temple de mémoire.
Second couplet.
UNE SUIVANTE de la Folie.
Damon pense qu’on le trompette
Comme un bon cerveau d’aujourd’hui ;
Mais, sans son épouse coquette,
On ne parlerait pas de lui :
Hé, vraiment voire !
Ziste, zeste, et lonlanla,
Par sa tête le voilà
Dans le temple de mémoire.
Troisième couplet.
UN POÈTE.
Par plus d’une belle harangue
Un magistrat plaît au public ;
Mais son faiseur a de la langue,
On apprend leur secret trafic :
Hé, vraiment voire !
Ziste, zeste, et lonlanla,
Grand orateur, te voilà
Dans le temple de mémoire.
Quatrième couplet.
LA FOLIE.
Un sujet traité par Corneille[9]
N’avait qu’un prix très incertain ;
Mais il devient une merveille
En nous passant de main en main :
Hé, vraiment voire !
Ziste, zeste, et lonlanla,
En grand trio te voilà
Dans le temple de mémoire.
Cinquième couplet.
PIERROT, aux spectateurs.
Messieurs, à la pièce nouvelle
Accordez un peu de faveur ;
Quoi que vous puissiez penser d’elle,
Ne chantez pas d’un ton moqueur :
Hé, vraiment voire !
Ziste, zeste, et lonlanla,
Voyez comme on reviendra
À leur temple de mémoire.
[1] Sous la régence du due d’Orléans il avait été établi un papier-monnaie.
[2] Le poème de Clovis, qui parut dans ce temps-là. (Note de l’auteur.)
Lemojon-Saint-Didier est auteur de ce poème, qui parut en 1725,
[3] Tout le monde reconnu dans Prône-vers Thiriot l’ami de Voltaire.
[4] Le Poème de la Ligue. (Note de l’auteur.)
C’est sous le titre de la Ligue que parut en 1723 la première édition du poème le Voltaire appelé aujourd’hui la Henriade.
[5] Poème nouveau (Note de l’auteur). Ce poème est du baron de Waleff.
[6] Poème depuis longtemps promis au public sous le titre de Fernand Cortez.
[7] Les comédiens français avaient donné une comédie intitulée Cartouche, qui était l’histoire d’un fameux voleur de ce temps là. (Note de l’Auteur.)
Legrand est auteur de cette comédie.
[8] Poème burlesque qui porte ce nom. (Note de l’auteur.)
Ce poème est de Grandval père.
[9] Dans ce temps-là on parlait de donner un troisième Œdipe aux comédiens français. (Note de l’auteur.)
L’Œdipe de Corneille est de 1659 ; celui de Voltaire en 1718 ; celui de Lamotte ne fut joué que le 18 mars 1726.