La Coupe enchantée (Jean de LA FONTAINE - CHAMPMESLÉ)
Comédie en un acte et en prose.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Hôtel Guénégaud, le 16 juillet 1688.
Personnages
ANSELME, gentilhomme campagnard
LÉLIE, fils d’Anselme
JOSSELIN, gouverneur de Lélie
BERTRAND, fermier d’Anselme
M. GRIFFON, Gascon, beau-frère de M. Tobie
M. TOBIE, Normand, beau-frère de M. Griffon
LUCINDE, fille de M. Tobie
THIBAUT, fermier de M. Tobie
PERRETTE, femme de Thibaut
La scène est dans la cour du château d’Anselme.
Scène première
BERTRAND, LUCINDE, PERRETTE
BERTRAND.
Non, mordienne ! vous dis-je, je ne me laisserai pas enjôler davantage.
LUCINDE.
Hé ! mon pauvre garçon !
BERTRAND.
Je n’en ferai rien.
PERRETTE.
Auras-tu bien le cœur si dur, que... ?[1]
BERTRAND.
Je l’aurai dur comme un caillou.
LUCINDE.
Laisse-nous[2] ici seulement jusqu’à ce soir.
BERTRAND.
Je ne vous y laisserai pas un iota davantage, ventregoine ! Si quelqu’un vous allait trouver enfarmées dans ma logette, et que dirait-on ?
PERRETTE.
Ardez ! ce qu’on en dirait serait-il tant à ten désavantage ?
BERTRAND.
Testigué ! si notre maître, qui hait les femmes, venait à vous trouver, où en serais-je ?
LUCINDE.
Quand il saura que je suis une jeune fille persécutée par une belle-mère, abandonnée à la sollicitation[3] et à l’inimitié[4] de mon propre père, et qui fuit la maison paternelle de crainte d’épouser un magot qu’elle me veut donner parce qu’il est son neveu, mes larmes le toucheront ; il aura pitié de moi, sans doute.
BERTRAND.
Morgué ! je vous dis qu’il n’est point pitoyable : je le connais mieux que vous.
PERRETTE.
Et moi, je gage que ses larmes le débaucheront comme elles m’ont débauchée ; je ne les vis pas plus tôt couler, que je me résolus d’abandonner mon ménage pour aller courir les champs avec elle, quoiqu’il n’y ait qu’onze mois que je sois mariée à Thibaut, le fermier de son père, qui est le meilleur homme du monde, et de la meilleure humeur. Est-ce que ton maître sera plus rébarbatif que moi ?
BERTRAND.
Ventredié ! vous me feriez enrager. Est-ce que je ne savons pas bien ce que je savons ?
LUCINDE.
Fais-moi parlera ce jeune homme que tu dis qui est son fils ; je le toucherai, je m’assure, et je ne doute point qu’il ne fasse quelque chose auprès de son père en notre faveur.
BERTRAND.
Eh bien ! eh bien ! ne voilà-t-il pas ? Palsangoi ! n’an dit bian vrai, qu’il n’y a rian de si dur que la tête d’une femme. Ne vous ai-je pas dit, cervelle ignorante, que ce fils est le TU AUTEM du sujet pourquoi on reçoit ici les femmes comme un chien dans un jeu de quilles ? que le père ne veut point que le fils en voie aucune ? que le fils n’en connaît non plus que s’il n’y en avait point au monde, et qu’il ne sait pas seulement comme on les appelle ? que le père, sottement, lui apprend tout cela ; que le fils croit tout cela sottement ; et que... que... Que diable ! ne vous ai-je pas dit tout cela ?
PERRETTE.
Eh bien ! oui. D’où vient qu’il ne veut pas que son fils connaisse des femmes ? Est-ce une si mauvaise connaissance ?
BERTRAND.
D’où vient... d’où vient... Eh ! l’esprit bouché,[5] ne vous souvient-il pas que, de fil en aiguille, je vous ai conté que le père avait épousé une femme qui en savait bien long ? et que pour empêcher qu’il n’ait[6] comme li le même malencombre qu’il a li, comme bien d’autres, il a juré son grand juron que jamais femme ne serait de rien à ce fils ? Et voilà ce qui fait justement que... Mais, ventreguienne ! que de babil ! est-ce que vous ne voulez donc pas vous taire, et me tourner les talons ?
LUCINDE, lui donnant de l’argent.
Mon ami ! mon pauvre ami !
BERTRAND, faisant le pleureur, mais prenant toujours l’argent.
Mon ami, mon pauvre ami !... Jarnigué ! ne v’là-t-il pas encore la chanson du ricochet, avec vos pièces d’or ?
PERRETTE.
Eh ! va, va, prends toujours.
BERTRAND.
Ventregué ! que veux-tu que j’en fasse ?
LUCINDE, lui donnant encore de l’argent.
Mon pauvre garçon !
BERTRAND.
Tastigué ! n’avez-vous point de honte de me tenter comme ça ?
PERRETTE.
Prends, te dis-je.
BERTRAND.
Morgué ! c’est être bien satan.
LUCINDE, lui en donnant toujours.
Bertrand...
BERTRAND.
Jarni ! cela est cause que je vous ai déjà fait passer la nuit dans ma cahute.
PERRETTE.
Le grand malheur !
BERTRAND.
Morgué ! cela va encore être cause que je vous y ferai passer le jour.
LUCINDE, lui en donnant davantage.
Mon cher Bertrand !
BERTRAND.
Mort de ma vie ! que vous ai-je fait ?
PERRETTE.
Eh ! prends, prends.
BERTRAND.
Prends, prends. Morguoi ! prends toi-même.
Perrette veut prendre, et Bertrand se jette sur la bourse.
PERRETTE.
Eh bien ! donne-le-moi, je le prendrai.
BERTRAND.
Tu as bien envie de me voir frotter.
PERRETTE.
La, la, prends courage ; il ne t’est point arrivé de mal cette nuit, il ne t’en arrivera pas cette journée. Remène-nous dans la logette.[7]
BERTRAND.
Oui ; mais, morgué ! notre petit maître est un charcheur de midi à quatorze heures ; il a toujours le nez fourré partout. S’il vient à vous trouver ! hem ?
LUCINDE.
Peut-être sera-t-il bien aise de nous voir et de nous parler.
BERTRAND.
Testigué ! ne vous y fiez pas ; c’est un petit babillard qui ne manquerait pas de l’aller dire à son père. Il vaut mieux que je vous boute dans queuque endroit où il n’aille pas vous charcher. Attendez, je vais voir si personne ne nous en empêche.[8]
Il sort.
Scène II
LUCINDE, PERRETTE
LUCINDE.
Enfin, Perrette, nous resterons ici jusqu’à ce soir.
PERRETTE.
Oui, mais je ne sommes guère loin du châtiau de votre père : j’ai peur que je ne soyons pas longtemps ici sans qu’on vienne nous y charcher.
LUCINDE.
Nous y serons bien cachées. Mais en conscience, Perrette, voudrais-tu partir d’ici sans avoir la charité de tirer ce pauvre petit jeune homme de l’erreur où l’on le fait vivre ?
PERRETTE.
Ouais ! vous vous intéressez bien pour lui ! Si j’osais, je croirais quelque chose.
LUCINDE.
Et que croirais-tu ?
PERRETTE.
Je croirais que vous ne seriez pas fâchée de l’avoir pour mari.
LUCINDE.
Tu ne sais ce que tu dis.
PERRETTE.
Oh ! par ma foi, j’ai mis le nez dessus.
LUCINDE.
Que veux-tu dire ?
PERRETTE.
Mon gueu ! je ne sis pas si sotte que j’en ai la mine. Quand je vous le vis regarder hier avec tant d’attention par le trou de la sarrure, je me dis[9] à part moi : V’là notre maîtresse Lucinde qui se prend ; et si ce grand dadais que n’en lui velait bailler pour époux avait eu aussi bonne mine que ce petit étourneau-ci, je ne serions pas sorties de la maison.
LUCINDE.
Tu vois plus clair que moi, Perrette. Je t’avoue que je formai dès hier la résolution de faire tout mon possible pour détromper ce pauvre petit homme, et que c’est à quoi j’ai pensé toute la nuit. Mais jusques à présent je ne m’aperçois pas que mon cœur agisse par un autre mouvement que par celui de la compassion.
PERRETTE.
Eh ! oui, oui, vous autres grosses dames vous n’allez point tout d’abord à la franquette : vous faites toujours semblant de vous déguiser les choses. Pour moi, je n’y entends point tant de façons ; et quand Thibaut me prit la main pour la première fois pour danser, qu’il me la serrit de toute sa force, je devinai du premier coup c’en que chela voulait dire... Mais qu’entends-je ?[10]
Thibaut crie derrière le théâtre, et ne paraît que quand Bertrand et Josselin sont seuls sur la scène.
Scène III
THIBAUT, LUCINDE, PERRETTE
THIBAUT, derrière le théâtre.
Haïe, haïe, haïe !
LUCINDE.
Quelle voix a frappé mon oreille ?
THIBAUT, derrière le théâtre.
Ho, ho, ho !
PERRETTE.
Ah ! madame, c’est la voix de notre mari Thibaut : nous vlà perdues.
LUCINDE.
Courons promptement nous cacher.
Comme elles vont pour se sauver, elles rencontrent Bertrand.
Scène IV
LUCINDE, THIBAUT, BERTRAND, PERRETTE
BERTRAND.
Où courez-vous ? Fuyez, fuyez de ce côté.
LUCINDE.
Thibaut, le mari de Perrette, vient par ici.
BERTRAND.
Josselin, le gouverneur de notre petit maître, vient par ilà.
THIBAUT, derrière le théâtre.
Holà, quelqu’un, holà !
PERRETTE.
Entends-tu ? c’est fait de nous, s’il nous trouve.
Scène V
LUCINDE, PERRETTE, JOSSELIN, BERTRAND, THIBAUT
JOSSELIN, dans le château.
Bertrand ! hé ! Bertrand !
BERTRAND.
Oyez-vous ? nous sommes flambés, s’il nous voit.
LUCINDE.
Où nous cacher ?
BERTRAND.
Rentrez dans ma logette, et n’en ouvrez point la porte[11] à personne.
Lucinde et Perrette sortent.
Scène VI
JOSSELIN, BERTRAND, THIBAUT
JOSSELIN.
Qui est-ce donc qui crie de la sorte ?
BERTRAND.
Il faut que ce soit quelque passant qui s’est égaré... Mais le vlà.
THIBAUT.
Eh ! parlez donc, vous autres ; êtes-vous muets ?
JOSSELIN.
Non.
THIBAUT.
Vous êtes donc sourds ?
JOSSELIN.
Encore moins.
THIBAUT.
Et pourquoi donc ne répondez-vous pas ?
JOSSELIN.
Parce qu’il ne nous plaît pas.
THIBAUT.
Palsangué ! vous êtes trop drôles ! Puisque vous n’êtes ni sourds ni muets, il faut que je vous embrasse ; oui, morgué ! je sis votre serviteur.
JOSSELIN.
Est-ce que nous nous connaissons ?
THIBAUT.
Je ne sais pas ; mais je crois que nous ne nous sommes jamais vus.
JOSSELIN.
C’est ce qui me semble.
THIBAUT.
Palsangué ! vous vlà bian étonnai !
JOSSELIN.
Et qui ne le serait pas ? nous ne nous connaissons point, et vous m’embrassez comme si nous nous étions vus toute notre vie.
THIBAUT.
Tastigué ! vous avez biau dire, je vois à votre mine que vous êtes un bon vivant, et que vous m’enseignerez ce que je charche.
JOSSELIN.
Et que cherchez-vous ?
THIBAUT.
Je charche ma femme ; ne l’avez-vous point vue ?
JOSSELIN.
Ah ! vraiment oui, c’est bien ici qu’il faut chercher des femmes !
THIBAUT.
Elle a nom Parrette. Elle s’en est enfuie de cheuz nous, palsangué ! chela est bian drôle, pour courir les champs avec la fille de M. Tobie, notre maître, que l’on voulait marier maugré elle au fils de M. Grillon, neveu de notre maîtresse. Je ne sais, morgué ! comme ces masques[12] ont fagoté tout chela ; mais la nuit Parrette se couchi auprès de moi, et pis je ne l’y trouvis plus le lendemain : avez-vous jamais rien vu de pus plaisant que chela ?
JOSSELIN.
Cela est fort plaisant.
THIBAUT.
Oh ! ce qu’il y a de plus récréatif, c’est qu’elles sont toutes fines seules ; et comme elles sont, morguoi ! bian jolies, si elles allaient rencontrer queuque gaillard qui voulût en faire comme des choux de son jardin, elles seraient bien attrapées ! Tout franc, quand je songe à chela, je n’en ris, morgué ! que du bout des dents.
JOSSELIN.
Que craignez-vous ?
THIBAUT.
Je crains... et que sais-je, moi ? je crains... Est-ce que vous ne savez pas ce qu’on craint quand on ne sait où diable est sa femme ?
JOSSELIN.
Si vous aviez envie de savoir ce qui en est, on pourrait vous donner satisfaction.
THIBAUT.
Bon ! est-ce qu’on sait jamais ça ? Pour s’en clouter, passe ; mais pour en être sûr, nifle. J’aurais, morgué ! biau le demander à Parrette, elle ne l’avouerait jamais ; elle est trop dessalée.
JOSSELIN.
Nous avons ici un moyen sûr pour en savoir la vérité.
THIBAUT.
Et qu’est-ce encore ?
JOSSELIN.
C’est une coupe qui est entre les mains du seigneur de ce château : quand elle est pleine de vin, si la femme de celui qui y boit lui est fidèle, il n’en perd pas une goutte : mais si elle est infidèle, tout le vin répand à terre.
THIBAUT.
Cela est bouffon ! Et où diable a-t-il péché cela ?
JOSSELIN.
Il l’a achetée d’un Arabe qui, soit par composition ou par enchantement, y avait attaché cette vertu.
THIBAUT.
Et pourquoi ce monsieur acheta-t-il ce joyau-là ?
JOSSELIN.
Par curiosité.
THIBAUT.
Est-ce qu’il était marié ?
JOSSELIN.
Oui.
THIBAUT.
J’entends, j’entends ; il voulait voir si sa femme... n’est-ce pas ?
JOSSELIN.
Justement.
THIBAUT.
D’abord qu’il eut la coupe, il y but, je gage ?
JOSSELIN.
Vous l’avez dit.
THIBAUT.
Elle répandit ?
JOSSELIN.
Non.[13]
THIBAUT.
Morgué ! c’est être bien plus heureux que sage ! Il s’en tint là ?
JOSSELIN.
Non.
THIBAUT.
Il y rebut ?
JOSSELIN.
Oui.
THIBAUT.
Tastigué ! vlà un sot homme.
JOSSELIN.
Plus encore que vous ne le dites.
THIBAUT.
Et comment donc ? contez-moi cela pour rire.
JOSSELIN.
Il voulut éprouver sa femme.
THIBAUT.
Le benêt !
JOSSELIN.
Il lui écrivit sous un nom supposé.
THIBAUT.
Le jocrisse !
JOSSELIN.
Il lui envoya des présents.
THIBAUT.
L’impertinent !
JOSSELIN.
Il lui donna un rendez-vous.
THIBAUT.
Elle y vint ?
JOSSELIN.
Est-ce qu’on résiste aux présents ?[14]
THIBAUT.
Et comment cela se passa-t-il ?
JOSSELIN.
En excuses du côté de la dame ; en soufflets de la part du mari.
THIBAUT.
Elle les souffrit patiemment ?
JOSSELIN.
Oui ; mais quelques jours après...
THIBAUT.
Il but encore dans la coupe ?
JOSSELIN.
Oui.
THIBAUT.
Et que fit la coupe ?
JOSSELIN.
Elle répandit.
THIBAUT.
Quand on n’a que ce qu’on mérite, on ne s’en doit prendre qu’à soi.
JOSSELIN.
Il s’en prit à tout le monde, et vint de dépit se loger dans ce château écarté, pour ne plus entendre parler de femme de sa vie.
THIBAUT.
Avec la coupe ?
JOSSELIN.
Avec la coupe.
THIBAUT.
Et de quoi lui sert-elle ?[15]
JOSSELIN.
Elle lui sert à voir[16] qu’il a beaucoup de confrères, et cela le console.
THIBAUT.
Et comment le voit-il ?
JOSSELIN.
Il engage tous les passants que le hasard conduit ici d’en faire l’épreuve.
THIBAUT.
Et depuis quand fait-il ce métier-là ?
JOSSELIN.
Depuis quatorze ou quinze ans.[17]
THIBAUT.
En a-t-il bien vu depuis ce temps-là ?
JOSSELIN.
Oh ! en quantité.[18]
THIBAUT.
Par ma fique ! voilà tout fin droit ce qu’il faut pour bouter notte maître et son biau-frère à la raison. L’un est un bon Normand qui a épousé une Languedocienne, sœur de l’autre ; et l’autre est un Gascon qui a épousé une Parisienne : comme ils sont logés vison visu, ils se tarabustent toujours sur le chapitre de leurs femmes. Je vais leur dire que la coupe les mettra d’accord. Ils rodont autour de cette montagne, pour apprendre des nouvelles de leur fille... Mais quel est ce vilain monsieur-là ?
JOSSELIN.
C’est le maître de la coupe, et le seigneur de ce château.
Scène VII
ANSELME, JOSSELIN, THIBAUT, BERTRAND
ANSELME, fort échauffé.
Ah ! monsieur Josselin ! mon pauvre monsieur Josselin !
JOSSELIN.
Qu’y a-t-il de nouveau, monsieur ?
ANSELME.
Je suis dans le plus grand de tous les embarras. Mon... Qui est cet homme-là ?
JOSSELIN.
C’est un honnête paysan qui est en quête de sa femme : elle s’est échappée de chez lui avec une jeune fille ; et pour les retrouver, il est avec une paire de messieurs qu’il va chercher pour faire[19] l’essai de votre coupe.
THIBAUT.
Je vais vous amener de la pratique, laissez faire.[20]
Scène VIII
ANSELME, JOSSELIN, BERTRAND
ANSELME.
Ah ! vraiment, de la coupe ![21] j’ai bien d’autres tintoins dans la tête.
JOSSELIN.
Qu’avez-vous donc ?
ANSELME.
J’ai vu...[22] Ouf !
BERTRAND, à part.
Aurait-il vu ces masques de femmes ? Écoutons.
Il se met entre Josselin, qui est à la gauche, et Anselme qui est à la droite du théâtre.
ANSELME.
Je viens de voir... Donnant un soufflet à Bertrand. Que fais-tu là ?
BERTRAND.
Rien.
ANSELME.
Va à ta besogne, et ne reviens point qu’on ne t’appelle.
Scène IX
ANSELME, JOSSELIN
ANSELME.
Je viens de voir mon fils. Le petit pendard m’a fait des questions qui m’ont pensé mettre l’esprit sens dessus dessous. Il lui prend des curiosités toutes contraires au chemin que je veux qu’il tienne.
JOSSELIN.
Ma foi ! monsieur, si vous voulez que je vous parle franchement, il vous sera bien difficile de l’élever toujours dans l’ignorance où vous voulez qu’il soit ; je crains bien que toutes ces précautions[23] ne deviennent inutiles, et que cette démangeaison qui vous tient de lui vouloir cacher qu’il y a des femmes au monde ne porte davantage son petit génie aux connaissances du beau sexe.
ANSELME.
Eh ! qui l’instruira qu’il y a des femmes ?
JOSSELIN.
Tout, monsieur ; le bon sens premièrement : oui, ce certain bon sens qui vient avec l’âge, à cet âge qui nous retire insensiblement des bras de l’enfance pour nous conduire à la puberté. L’esprit se porte à la conception de bien des choses : la raison vient, et, parmi plusieurs curiosités, nous fait apercevoir que l’homme ne vient point sur la terre[24]comme un champignon ; que c’est une petite machine où il y a bien des ressorts. Ces ressorts viennent à se mouvoir par le moyen du cœur ;[25] ce mouvement du cœur échauffe le cerveau ;[26] cette cervelle échauffée se forme des idées qu’elle ne connait pas[27] bien d’abord ; l’amour se met quelquefois de la partie, il explique toutes ces idées, il prend le soin de les rendre intelligibles ; et voilà comme la connaissance vient aux jeunes gens, ordinairement malgré qu’on en ait.
ANSELME.
Tous ces raisonnements sont les plus beaux du monde ; mais je m’en moque, et j’empêcherai bien que mon fils... Le voici. Je ne suis pas en état de lui parler : mon désordre paraîtrait à sa vue. Fortifiez-le dans mes pensées pendant que je vais me remettre.
Scène X
LÉLIE, JOSSELIN
LÉLIE.
D’où vient que mon père me fuit ?[28]
JOSSELIN.
Il a des affaires en tête. Lui voulez-vous quelque chose ?
LÉLIE.
Je ne sais.
JOSSELIN.
Vous ne savez ?
LÉLIE.
Non, je ne sais ce que je lui veux ; je ne sais ce que je me veux à moi-même. Je sens[29] que je m’ennuie ; et je ne sais pourquoi je m’ennuie.
JOSSELIN.
C’est que vous êtes un petit indolent, qui n’avez pas l’esprit de jouir des beautés qui se présentent à vous.
LÉLIE.
Eh ! quelles sont ces beautés ?
JOSSELIN.
Le ciel, la terre, le feu, l’eau, l’air, le jour, la nuit, le soleil, la lune, les étoiles, les arbres,[30] les prés, les fleurs, les fruits.
LÉLIE.
Oui, tout cela est fort divertissant ! Ah ! mon cher monsieur Josselin, je voudrais bien...
JOSSELIN.
Quoi ?
LÉLIE.
Vous ne le voudrez pas, vous ?[31]
JOSSELIN.
Qu’est-ce encore ?
LÉLIE.
Promettez-moi que vous le voudrez.
JOSSELIN.
Selon.
LÉLIE.
Je voudrais bien aller me promener autre part qu’ici.
JOSSELIN.
Plaît-il ?
LÉLIE.
Ah ! je savais bien que vous ne le voudriez pas.
JOSSELIN.
Avez-vous oublié que votre père vous l’a défendu ?
LÉLIE.
Et c’est[32] parce qu’il me l’a défendu que je meurs d’envie de le faire. Car, enfin, je m’imagine qu’il y a dans le monde des choses qu’il ne veut pas que je sache ; et ce sont ces choses-là[33] que je m’imagine, que je bride de savoir.
JOSSELIN, à part.
Le petit fripon !
LÉLIE.
Oh ! çà, monsieur Josselin, en bonne vérité, dites-moi ce que c’est que ces choses-là.
JOSSELIN.
Qu’est-ce à dire, ces choses-là ?
LÉLIE.
Oui ; qu’est-ce qu’il y a dans le monde qui n’est point ici ?
JOSSELIN.
Rien.
LÉLIE.
Vous mentez, monsieur Josselin.
JOSSELIN.
Point du tout.
LÉLIE.
On me cache bien des choses, monsieur Josselin ; vous lisez dans des livres, et mon père y sait lire aussi. Pourquoi ne m’a-t-on pas appris à y lire ?
JOSSELIN.
On vous l’apprendra ; donnez-vous patience.
LÉLIE.
Je ne puis plus vivre comme cela, et c’est une honte d’être si ignorant[34] que je le suis à mon âge.
JOSSELIN, bas.
Voilà un petit drôle qu’il n’y aura plus moyen de retenir.
LÉLIE.
Et si mon père venait à mourir, monsieur Josselin, car je sais bien qu’on meurt, que deviendrai-je ?[35]
JOSSELIN.
Vous deviendrez[36] mon fils, et je serais votre père pour lors.
LÉLIE.
Vous vous moquez de moi, monsieur Josselin. Ce n’est pas comme cela que cela se fait ; et ce serait à mon tour d’être père de quelqu’un.
JOSSELIN.
Eh bien ! vous seriez le mien, si vous vouliez, et je serais votre fils, moi.
LÉLIE.
Oh ! ce n’est pas comme cela que cela se fait, assurément. Vous ne voulez pas me le dire ; mais je le saurai, vous avez beau faire.
JOSSELIN.
Oh ! vous saurez, vous saurez que vous êtes un petit sot, et que vos discours me fatiguent.
LÉLIE.
Monsieur Josselin, si vous ne me menez promener, j’irai me promener tout seul ; je vous en avertis.
JOSSELIN.
Oui ! et je vais, moi, tout de ce pas, avertir votre père de vos extravagances, et vous verrez après où je vous mènerai promener. Oh ! oh ! voyez-vous[37] le petit impudent, avec ses promenades !
Il sort.
LÉLIE, seul.
Il a beau dire, je sortirai d’ici, quand je devrais mourir sur le pas de la porte.
Scène XI
LUCINDE, LÉLIE, PERRETTE
PERRETTE, à Lucinde.
Madame, le voilà tout seul.
LUCINDE.
Approchons-nous, pour voir ce qu’il dira en nous voyant.
LÉLIE, sans voir les deux femmes.
Mon père n’est pourtant pas un bon père de ne me pas montrer tout ce qu’il sait ; et c’est ce qui fait que je n’ai pas de peine à me résoudre à le quitter.
PERRETTE.
Il ne faut pas[38] lui dire d’abord qui nous sommes ;[39] mais je gage bien qu’il le devinera.
LÉLIE.
Je m’imagine que tout ce qu’on ne veut pas que je sache est cent fois[40] plus beau que ce que je sais. Je pense je ne sais combien de choses, toutes plus jolies les unes que les autres, et je meurs d’impatience de savoir si je pense juste... Mais que vois-je ? Voilà deux jeunes garçons joliment habillés. Je n’en ai point encore vu comme ceux-là. Je voudrais bien les aborder ; mais je suis tout hors de moi-même, et je n’ai pas presque la force de parler.[41]
Elles lui font la révérence.
Ils se baissent, et puis se haussent :[42] qu’est-ce que cela signifie ?
LUCINDE.
Nous hésitons à vous aborder.
LÉLIE.
Ils parlent comme moi ; que de questions je vais leur faire !
LUCINDE.
Vous paraissez étonné de nous voir ?
LÉLIE.
Oui, je n’ai jamais rien vu de si beau que vous, ni qui m’ait tant fait de plaisir à voir.
PERRETTE.
Oh ! mort de ma vie, que la nature est une belle chose !
LÉLIE.
D’où venez-vous ? qui vous a conduits ici ? Est-ce mon père ou moi que vous y cherchez ? De grâce, ne parlez point à mon père, et demeurez avec moi.
LUCINDE.
À ce que je puis juger, vous n’êtes point fâché de nous voir ?
LÉLIE.
Je n’ai jamais eu tant de joie.
PERRETTE.
Cela est admirable ! Et que croyez-vous de nous, s’il vous plaît ?[43]
LÉLIE.
Les deux plus belles créatures du monde. Je n’ai jamais rien vu ; mais je ne conçois rien de plus parfait que vous, et je n’ai plus de curiosité pour tout le reste. Demeurez toujours avec moi, je vous en conjure ! je demeurerai toujours ici, et mon père et M. Josselin en seront ravis.
LUCINDE.
Vous en jugeriez autrement, si vous saviez ce que nous sommes.
LÉLIE.
Et n’êtes-vous pas[44] des hommes comme nous ?
PERRETTE.
Oh ! vraiment non : il y a bien à dire.
LÉLIE.
Hors les habits et la beauté, je n’y vois point de différence.
PERRETTE.
Oui-da ! c’est bien tout un ; mais ce n’est pas de même.
LÉLIE.
Il est vrai que je sens, en vous voyant, ce que je n’ai jamais senti. Ah ! si vous n’êtes point des hommes, dites-moi ce que vous êtes, je vous en conjure.
LUCINDE.
Votre cœur ne peut-il pas vous l’expliquer tout à fait ?
LÉLIE.
Non ; mais ce n’est pas la faute de mon cœur, c’est la faute de mon esprit.
PERRETTE.
Eh bien ! tenez, mon pauvre enfant, bien loin d’être des hommes, nous en sommes tout le contraire.
LÉLIE.
Je ne vous entends point.
PERRETTE.
Vous nous entendrez avec le temps. Mais, qui aimez-vous mieux de nous deux ? Là, parlez franchement, n’est-ce pas moi ?[45]
LÉLIE.
Je vous aime beaucoup ; mais je l’aime infiniment davantage.
LUCINDE.
Tout de bon ?
LÉLIE.
Tout de bon.
PERRETTE.
C’est à cause que vous êtes la plus brave.
LÉLIE.
Non, non, je ne regarde point aux habits ; je ne saurais vous dire[46] ce qui fait que je l’aime plus que vous.
LUCINDE.
Vous m’aimez donc ?
LÉLIE.
Plus que toutes les choses du monde.
PERRETTE.
Mais que pensez-vous en l’aimant ?
LÉLIE.
Mille choses que je n’ai jamais pensées.
LUCINDE.
N’en avez-vous point à me dire ?[47]
PERRETTE.
Et que seriez-vous[48] prêt à faire pour lui prouver que vous l’aimez ?
LÉLIE.
Tout.
LUCINDE.
Voudriez-vous quitter ces lieux pour me suivre ?
LÉLIE.
De tout mon cœur, pourvu que je vous suive toujours.
Scène XII
JOSSELIN, LUCINDE, PERRETTE, LÉLIE
LÉLIE, tout transporté de joie.
Ah ! mon cher monsieur Josselin, vous allez être ravi.
LUCINDE.
Ah ciel !
JOSSELIN.
Que vois-je ? tout est perdu. Ah ! vraiment, voici bien pis que la promenade.
LÉLIE.
Je n’en avais jamais vu ; et je le savais bien, moi, qu’il y avait dans le monde quelque chose qu’on ne me disait pas.
JOSSELIN.
Paix !
PERRETTE.
Qu’il a la mine rébarbative !
JOSSELIN.
Eh ! d’où diantre ces deux carognes[49] sont-elles venues ?
LÉLIE.
Monsieur Josselin...
JOSSELIN.
Taisez-vous.
PERRETTE.
Comme il nous regarde !
LUCINDE.
Le vilain homme que voilà !
JOSSELIN.
Qui vous a conduites ici, impudentes que vous êtes ? Qu’y venez-vous faire ?
PERRETTE.
C’est pis qu’un loup-garou.
LÉLIE.
Monsieur Josselin, ne les effarouchez pas.
JOSSELIN.
Comment, petit fripon ! vous osez... a part. Qu’elles sont belles ![50]
LUCINDE.
Si c’est un crime pour nous de nous trouver ici, il n’est pas difficile de le réparer, et notre dessein n’est pas d’y faire un long séjour.
JOSSELIN, à part, montrant Lucinde.
Le beau visage qu’a celle-là ![51]
PERRETTE.
Je n’y serions pas venues, si j’eussions cru qu’on nous eût si mal reçues.
JOSSELIN, à part, montrant Perrette.
Le drôle de petit air qu’a celle-ci ![52]
LÉLIE.
N’est-il pas vrai, monsieur Josselin, qu’il n’y a rien au monde de plus beau ?
JOSSELIN.
Non, cela n’est pas vrai. Vous ne savez ce que vous dites. À part. Les deux jolis bouchons que voilà ![53]
PERRETTE.
Il est enragé. Comme il rouille[54] les yeux !
LÉLIE.
Monsieur Josselin, menons-les à mon père.
JOSSELIN.
Comment ! petit effronté, à votre père ! Tournez-moi les talons, et ne regardez pas derrière vous.
Il veut faire sortir Lélie qui lui résiste.
LÉLIE.
Je veux demeurer ici, moi.
JOSSELIN.
Tournez-moi les talons, vous dis-je... Et vous, détalez au plus vite.
LÉLIE.
Je ne veux pas qu’ils s’en aillent.
JOSSELIN.
Et je le veux, moi. Allez vite...
Bas à Lucinde et à Perrette.
Allez vous cacher dans ma chambre, au bout de cette allée. Voilà la clef.
PERRETTE.
Comme il se radoucit ! Ferons-je bien d’y aller ?
JOSSELIN, à Lélie.
Si vous ne dépêchez...[55]
Aux deux femmes.
Entrez dans le petit cabinet, à main gauche... Allez vite, allez.
LÉLIE.
Demeurez ici, je vous en conjure !
JOSSELIN.
Je vous l’ordonne, partez promptement.
LÉLIE, fort échauffé, à Josselin.
Pour la dernière fois, monsieur Josselin...
Aux deux femmes.
Attendez-moi, je vous prie : je cours trouver mon père ; j’obtiendrai de lui que je vous aie ici.[56] M. Josselin se repentira de vous avoir grondés. Je reviendrai dans un moment.[57]
Scène XIII
LUCINDE, PERRETTE, JOSSELIN
JOSSELIN.
Ah ! malheureuses petites femelles ! savez-vous bien où vous êtes, et le malheur qui vous talonne ?
LUCINDE.
Nous savons tout ce que vous pouvez nous dire ; mais nous espérons tout de votre bonté.
JOSSELIN.
Que vous êtes heureuses d’être belles ! Sans cela... Écoutez, n’allez pas vous entêter de ce petit vilain-là : ce serait gâter toutes vos affaires.
PERRETTE.
Oh ! je ne nous boutons rian dans la tête que de la bonne sorte.
JOSSELIN.
Son père veut enterrer toute sa famille avec lui,[58] et ne consentira jamais...
LUCINDE.
Mettez-nous en lieu où nous puissions vous apprendre notre infortune, et savoir de vous le conseil que nous devons suivre.
JOSSELIN.
Ma chambre est l’endroit où vous puissiez être le mieux cachées dans ce château, et j’en veux bien courir les risques pour l’amour de vous ; à condition que, pour l’amour de moi...
PERRETTE.
Allez, mon bon monsieur, vous voyez deux pauvres orphelines, qui ne sont nullement entichées du vice d’ingratitude.
JOSSELIN.
Venez, suivez-moi.
Scène XIV
LUCINDE, PERRETTE, JOSSELIN, BERTRAND
BERTRAND, les surprenant.
Oh ! palsangué ! je vous prends sur le fait ; je n’en suis plus que de moitié.
JOSSELIN.
Voilà un maroufle qui vient bien mal à propos.
BERTRAND.
Testiguenne ! puisque vous voulez les fourrer dans votre chambre, je ne serai pas pendu tout seul pour les avoir boutées dans ma cahute : vous le serez avec moi ; je ne m’en soucie guère !
JOSSELIN.
Veux-tu te taire ?
BERTRAND.
Morgué ! je ne me tairai point, à moins que je ne retire mon épingle du jeu.
JOSSELIN.
Qu’entends-tu par là ?
BERTRAND.
J’entends que vous soyez pendu tout seul.
JOSSELIN.
Que veut dire cet animal-là ?
BERTRAND.
Je veux dire qu’à moins que vous ne disiez que c’est vous qui les avez cachées, je vais[59] tout apprendre à notre maître.
JOSSELIN.
Eh bien ! oui, je dirai que c’est moi.
BERTRAND.
Mais, morgué ! point de tricherie[60] au moins.
PERRETTE.
J’entends quelqu’un.
BERTRAND.
Rentrez dans ma logette, et ne vous montrez plus, sur les yeux de votre tête.[61]
JOSSELIN.
Chut ! ou je te rendrai complice.
BERTRAND.
Motus ! ou je découvrirai le pot aux roses.
Lucinde et Perrette sortent.
Scène XV
ANSELME, LÉLIE, JOSSELIN, BERTRAND
LÉLIE, toujours fort transporté.
Oui, mon père, il est impossible que vous me refusiez quand vous les aurez vus. Venez seulement... Où sont-ils ? Qu’en avez-vous fait, monsieur Josselin ?
JOSSELIN.
Que veut-il dire ?
ANSELME.
Je ne sais ce qu’il me vient conter.
LÉLIE.
Que sont-ils devenus, Bertrand ?
BERTRAND.
À qui en veut-il donc ?
LÉLIE.
Répondez-moi, monsieur Josselin, ou, malgré la présence de mon père...
JOSSELIN.
Doucement, petit drôle ![62]
LÉLIE, à Bertrand.
Éclaircis-moi de ce que je veux savoir, coquin !
BERTRAND.
Haïe ! ahy ! vous m’étranglez... Est-il devenu fou ?
LÉLIE.
Ah, mon père ! commandez qu’on me les fasse retrouver, ou j’en mourrai de désespoir.
ANSELME.
Quoi ? qu’y a-t-il ? que veux-tu qu’on te rende ? Te voilà bien échauffé !
LÉLIE.
Cherchons partout. Si je ne les retrouve, je sais bien à qui je m’en prendrai.
BERTRAND.
Eh ! attendez, attendez. Ce ne sont pas des moigniaux que vous charchez ?
LÉLIE.
Non, traître ! ce ne sont pas des moineaux.
BERTRAND.
Hé bien ! morgué, quoi que ce puisse être, allons les charcher nous deux. M’est avis que j’ai entendu queuque chose grouiller de ce côté-là.[63]
Il l’emmène justement où elles ne sont pas.
LÉLIE.
Courons-y. Mon pauvre Bertrand, ne me quitte point...[64] Monsieur Josselin, malheur à vous si je ne les retrouve !
Scène XVI
ANSELME, JOSSELIN
JOSSELIN.
Des menaces ! Vous voyez comme il perd le respect.
ANSELME.
Qu’on l’arrête.
JOSSELIN.
Non, non : il vaut mieux qu’en courant il aille dissiper ces vapeurs qui lui troublent l’imagination.
ANSELME.
Mais je crois qu’en effet il est devenu fou : quel galimatias m’a-t-il fait ?
JOSSELIN.
C’est justement une suite de ce que je disais tantôt. Ce sont des idées qui lui passent par la cervelle, et je ne jurerais pas trop que ce ne fussent des idées de femmes.[65]
ANSELME.
Des idées de femmes ! Vous vous moquez, monsieur Josselin ! Peut-on avoir des idées de ce qu’on n’a jamais vu ?
JOSSELIN.
Belles merveilles ! Et ne vous est-il[66] jamais arrivé de faire des songes ?
ANSELME.
Oui.
JOSSELIN.
Et de voir en dormant des choses que vous n’aviez jamais vues, et que vous ne vous seriez jamais imaginées si vous n’aviez dormi ?
ANSELME.
D’accord ; mais ce petit garçon-là ne dort pas.[67]
JOSSELIN.
Non, vraiment ; au contraire, je ne l’ai jamais vu si éveillé.
ANSELME.
Eh bien !
JOSSELIN.
Eh bien ! il rêve tout éveillé ; et c’est justement ce qui fait[68] qu’il fait des contes à dormir debout.
ANSELME.
Mais pourquoi lui vient-il des idées de femmes plutôt que d’autres ?
JOSSELIN.
C’est que ces animaux-là se fourrent partout, malgré qu’on en ait.
ANSELME.
Cela serait bien horrible que toutes mes précautions fussent inutiles.
JOSSELIN.
Elles le seront à coup sûr ; et dès à présent je vous en donne ma parole.
ANSELME.
Il n’importe ; et si je ne puis lui cacher absolument qu’il y ait des femmes, il ne les connaîtra du moins que pour les haïr.[69]
JOSSELIN.
Il ne les haïra point.
ANSELME.
Il les détestera, en apprenant ce qu’elles savent faire... Mais qu’est-ce ci ?
JOSSELIN.
Eh ! c’est ce bon paysan qui vous amène ces deux personnes, pour faire essai[70] de votre coupe.
Scène XVII
ANSELME, JOSSELIN, sur le devant, M. GRIFFON, M. TOBIE, THIBAUT, dans le fond, LUCINDE, PERRETTE, à la fenêtre de la cahute
PERRETTE, à Lucinde.
Le petit homme n’y est pas, vous dis-je.
LUCINDE.
Il n’importe. Voyons d’ici ce qui se passe, puisque nous pouvons voir sans être vues.
M. GRIFFON, à M. Tobie.
Oui, cadédis ! je bous lé dis, et bous lé soutiens ;[71] bous êtes un von sot, veau-frère.
THIBAUT, à M. Griffon.
Ah ! ah ! monsieur, au mari de madame votre sœur !
PERRETTE, à Lucinde.
Madame, c’est Thibaut.
THIBAUT.
Sot ! Et qu’est-ce ?[72] Queu terminaison est chela ?[73]
LUCINDE, à Perrette.
Mon père et mon oncle sont ici.
M. TOBIE, à M. Griffon.
Nous sommes gens de bien de notre race ! je serais marri[74] qu’elle fût entichée des reproches qu’on fait à la vôtre.
THIBAUT, à M. Tobie.
Eh ! eh ! monsieur, le frère de madame votre femme ! vous n’y songez pas.
M. GRIFFON, à M. Tobie.
Tu fais vien dé m’appartenir.
M. TOBIE, à M. Griffon.
C’est le plus vilain endroit de ma vie.
THIBAUT, à Anselme et à Josselin.
Messieurs, messieurs, venez m’aider, s’il vous plaît, à mettre le holà entre deux beaux-frères qui se vont couper la gorge.
ANSELME, à Griffon et à Tobie.
Qu’est-ce que c’est donc ? Qu’avez-vous, messieurs ? qui vous oblige à en venir aux invectives ?
M. GRIFFON.
Eh ! messieurs,[75] serbiteur ; jé bous fais juges dé ceci. Boici lé fait. J’ai fait l’honneur[76] à ce monsieur dé donner mon fils, qui est novle monsieur[77] comme moi, mordi ! en mariage à sa fille, qui n’est qu’une simple roturière ; et, parce qué la beille des noces la sotte s’ecclipsé dé la case paternelle, il a l’insolence dé dire que c’est ma fauté, et qu’elle a eu peur d’entrer dans mon alliance, à causé qué jé suis sébère dans ma famille, et qué jé né beux pas souffrir qu’aucun godeluriau approche mon domaine dé la vanlieue.
M. TOBIE.
Qu’est-ce ? je donne ma fille, qui aura dix mille livres de rente, au fils de ce monsieur, qui est gueux comme un rat ; et parce qu’elle s’en est enfuie de chez moi pour éviter ce mariage, il me dira, en me traitant comme un je ne sais qui, que c’est parce que je suis trop bon dans mon domestique, à cause que ma femme est toujours autour de moi à m’étouffer de caresses, et que je souffre qu’elle m’appelle son petit papa, son petit fanfan, son petit camuset ; ce qui fait que ma maison est ouverte à tous les honnêtes gens.
JOSSELIN.
Voilà un différend qu’il est assez facile d’accommoder. Ces messieurs se disent les choses de si bonne foi, qu’on ne peut s’empêcher de les croire ; mais, pour savoir lequel des deux s’est le plus fait aimer de sa femme par ses manières, votre coupe enchantée sera d’un secours merveilleux, et je suis sûr qu’elle les mettra d’accord ; je vais l’apporter.[78]
Il sort un instant.
ANSELME.
Allez, monsieur Josselin, cela finira la dispute.
M. GRIFFON.
Cet homme nous a fait récit dé cette coupe, et jé sérai rabi dé connaître par elle lequel est lé fat dé nous deux : je suis sûr qué cé n’est pas moi.
M. TOBIE.
Nous en allons voir tout à l’heure un bien penaud ! je sais bien qui ce ne sera pas.
ANSELME, voyant revenir Josselin.
Voici la coupe.
Josselin verse du vin dans la coupe.
M. TOBIE.
Donnez, donnez. Je serais bien fâché[79] de n’en pas faire essai le premier, pour vous montrer combien je suis sûr de mon fait.
Comme il approche la coupe de sa bouche, elle répand, et le vin lui rejaillit au visage, ce qui fait beaucoup rire M. Griffon.
JOSSELIN.
Ah ! ah !
M. TOBIE, fort surpris.
Que vois-je ? le vin est répandu, je pense ?
JOSSELIN.
Oh ! par ma foi ! le petit papa, le petit fanfan, le petit camuset en tient.
M. GRIFFON.
Hé,[80] qui dé nous dus est lé fat ? hem ? Cadédis, mon veau-frère, bous mé ferez raison dé la conduite dé ma sœur.
M. TOBIE.
Voilà une méchante créature ! je ne l’aurais jamais cru.
JOSSELIN.
Quand elle viendra vous étouffer de caresses, je vous conseille de l’étrangler par bonne amitié.
M. TOBIE.
C’est chez vous qu’elle a sucé ce mauvais lait-là.
M. GRIFFON.
Oui, oui, cadédis ! l’absynthé n’est pas plus amère que lé lait qué jé leur fais sucer... Bersez, bersez, veau Ganyméde... Bous allez boir, veau-frère... À la santé dé la compagnie.
Il veut boire ; et la coupe lui fait sauter le vin au nez.
JOSSELIN.
Haïe ! haïe ! haïe !
M. GRIFFON.
Bouais ![81] c’est qué jé né la tiens pas droite.
Il essaye encore, et elle répand.
JOSSELIN.
Prenez donc garde.
ANSELME.
Voyez, voyez. Tout se répand.
M. GRIFFON.
La main mé tremble.
JOSSELIN.
Ah ! l’on a approché de votre domaine plus près que de la banlieue.[82]
M. GRIFFON.
Ma foi ! jé n’y comprends plus rien. Monsieur est von ; on lé trahit.[83] Je suis sébère ;[84] et l’on mé trompe. Sandis ! comment faut-il donc faire avec ces diantres d’animaux-là ? Allons, on s’en mordra les doigts. Sans adieu.[85]
Il sort.
Scène XVIII
ANSELME, M. TOBIE, THIBAUT, JOSSELIN, LUCINDE et PERRETTE, à la fenêtre
ANSELME.
Jusques au revoir.
JOSSELIN.
Vous plaît-il boire encore un coup ?
À Thibaut.
Oh ! çà ! à vous le dez, pays !
Il lui présente la coupe pleine de vin.
THIBAUT.
À moi ?
LUCINDE, à Perrette.
Perrette, ton mari va boire.
PERRETTE.
À quoi s’amuse-t-il ? Ce n’est pas que je craigne rien ; mais le cœur me tape.
JOSSELIN.
À cause que vous êtes un bon frère, en voilà rasade : buvez.
THIBAUT.
Palsangué ![86] je n’ai pas soif.
JOSSELIN.
Il ne s’agit pas d’avoir soif, et c’est seulement par curiosité, et pour savoir si vous êtes aimé de votre femme ; buvez.
THIBAUT.
Non, morgué î je ne boirai point. Et si le vin allait répandre,[87] par hasard ! Testigué, voyez-vous, je suis maladroit de ma nature. Quand je saurais ça, en serais-je plus gras ? en aurais-je la jambe plus droite ? en dormirais-je plus que des deux yeux ? en mangerais-je autrement que par la bouche ? Non, pargué ! C’est pourquoi, frère, je suis votre sarviteur, je ne boirai point.[88]
JOSSELIN.
Voilà un rustre d’assez bon sens.
ANSELME.
C’est ce qui me semble, et je suis quasi fâché de n’avoir pas été de son humeur.
M. TOBIE.
Oh ! pardi, mon fermier, vous avez plus d’esprit que votre maître.[89]
THIBAUT.
Jarni ![90] je ne sais pas si je fais bien ; mais je sais bien que je serais fâché de faire autrement. J’aime Parrette : elle est ma femme ; quand elle serait la femme d’un autre, elle ne me plairait pas davantage.[91] Je ne sais si je lui plais finfirmement,[92] elle en fait le semblant, du moins : je ne rentre de fois chez moi, que je ne la retrouve tin[93] telle que je l’ai laissée ; il n’y a pas un iota à dire. Elle aime à batifoler ; je suis d’humeur batifolante ; je batifolons sans cesse ; et si je m’allais mettre dans la cervelle tous vos engeingreiniaux, adieu le batifolage. Non, palsanguoi ! je n’en ferai rien.
JOSSELIN.
Voilà comme je veux être, et si je me marie... mais je ne me marierai pas.[94]
PERRETTE.
Madame, je suis si aise[95] que je ne saurais plus m’en tenir. Il faut que j’aille embrasser notre homme.
Elle se retire de la fenêtre.
LUCINDE.
Attends, Perrette ; que vas-tu faire ?
JOSSELIN.
Voilà la perle des maris. Ami, touche là.
THIBAUT.
Votre valet.
M. TOBIE.
Voilà l’exemple des honnêtes gens. Embrasse-moi.
THIBAUT.
Votre serviteur.
ANSELME.
Voilà le miroir de la vie paisible.
THIBAUT.
Votre très humble.
PERRETTE, à son mari, en lui frappant sur l’épaule.
Voilà un vrai homme à femme. Oh ! que je te baiserai tantôt !
THIBAUT.
Hé ! testigué ! c’est Perrette.
ANSELME.
Que vois-je ? des femmes !
THIBAUT.
Je n’ai, morgué ! pas voulu boire dans la coupe : elle eût peut-être dit quelque chose qui m’aurait chagriné.
PERRETTE.
Elle n’eût rien dit ; mais tu as bien fait ; je t’en aime davantage.
M. TOBIE.
Perrette, qu’as-tu fait de ma fille ?
LUCINDE.
La voilà, mon père, qui se jette à vos genoux pour vous demander pardon.
M. TOBIE.
Va, ma fille, je te pardonne.
ANSELME.
Par quels moyens ces femmes sont-elles entrées chez moi ?
JOSSELIN.
Je ne sais. Ce sont peut-être elles qui ont fait naître à monsieur votre fils les idées...
Scène XIX
ANSELME, M. TOBIE, LÉLIE, LUCINDE, PERRETTE, JOSSELIN, THIBAUT, BERTRAND
BERTRAND, arrêtant Lélie.
Ce n’est pas là, vous dis-je.
LÉLIE.
Non, non, laissez-moi... Mais que vois-je ? Ah ! c’est ce que je cherche... Oui, mon père, les voilà. Souffrez que je les mène[96] à ma chambre, je vous promets de n’en sortir jamais.
ANSELME.
Où suis-je ? que vois-je ? qu’entends-je ?
LÉLIE.
Ah ! mon père, n’allez pas gronder, de peur de les effaroucher encore.
ANSELME.
C’en est fait ; la destinée et la nature sont plus fortes que mes raisonnements. Votre seule présence lui en a plus appris en un moment que je ne lui en avais caché pendant seize années.
JOSSELIN.
Cela est admirable.
ANSELME.
Je commence moi-même à me rendre à la raison, et je vais changer de manière.
M. TOBIE.
Qu’est-ce que tout ceci ?
ANSELME.
Vous le saurez, monsieur. En attendant qu’on vous l’apprenne, je vous dirai seulement que mon fils a beaucoup de noblesse et plus de bien, et qu’il ne tiendra qu’à vous d’unir sa destinée à celle de mademoiselle votre fille.
M. TOBIE.
Volontiers. J’en serai ravi ; et cela fera enrager ma femme.
LÉLIE.
Je ne comprends rien à tous ces discours. Que veulent-ils dire, monsieur Josselin ?
JOSSELIN.
Cette belle vous l’apprendra.
ANSELME.
Oui, mon fils, je vous la donne en mariage.
LÉLIE.
En mariage ? cela signifie-t-il qu’elle demeurera toujours avec moi, mon père ?
ANSELME.
Oui, mon fils.
LÉLIE, embrassant son père.
Quelle joie ! Ah, mon père ! que je vous ai d’obligation !
JOSSELIN.
Jamais le petit fripon n’a embrassé si fort.[97]
THIBAUT.
Pargué ! Perrette, tout ça est drôle.
PERRETTE.
Oui, tout cela est bel et bon ; mais cette chienne de coupe, que deviendra-t-elle ? Qu’il n’en soit plus parlé ; car, quoique je ne craignions rien, je n’en dormirions point en repos, voyez-vous.
ANSELME.
Qu’elle ne vous inquiète point ; je la briserai en votre présence.
JOSSELIN.
Quelqu’un veut-il faire essai de la coupe ? qu’il se dépêche. Mais, franchement, je ne conseille à personne d’y boire ; et l’exemple du paysan est, sur ma foi, le meilleur à suivre.
[1] Variante. Auras-tu le cœur si dur, que...
[2] Var. Œuvres de Champmeslé, 1735, et les Éditions modernes : Laissez-nous ; la leçon du texte est préférable, puisque dans tout le reste de la pièce Lucinde tutoie Bertrand.
[3] Var. Édit. mod. : abandonnée, à sa sollicitation, à l’inimitié.
[4] « Abandonnée à la sollicitation et à l’inimitié de mon propre père, » paraît vouloir dire : « Abandonnée à la garde inquiète et vigilante et à l’inimitié de mon propre père. » Les mots solliciter, sollicitation avaient alors ce sens. « On dit tous les jours à Paris, parmi le peuple, lisons-nous dans les Remarques de Vaugelas sur la langue française, qu’il faut donner une garde à un malade pour le solliciter, c’est-à-dire pour en avoir soin et pour le servir. »
[5] Var. Eh ! esprit bouché.
[6] Var. Que son fils n’ait.
[7] Var. Dans ta logette.
[8] Var. Ne nous empêche.
[9] Var. Je dis.
[10] Var. Je devinai du premier coup ce que ça voulait dire... Eh ! mais ! qu’entends-je ?
[11] Var. N’en ouvrez la porte.
[12] Var. Les masques.
[13] Les éditions modernes ajoutent ici :
THIBAUT.
Non ?
JOSSELIN.
Non.
Cette répétition est d’un effet assez piquant à la scène.
[14] Var. Est-ce qu’on peut résister aux présents ?
[15] Var. Les éditions modernes ajoutent : puisqu’il n’a plus de femme.
[16] Var. Elle sert à lui faire voir.
[17] Var. Depuis quatorze à quinze ans.
[18] Les éditions modernes ajoutent ici :
THIBAUT.
S’en est-il trouvé biaucoup qui aient bu dans la coupe sans qu’elle ait répandu ?
JOSSELIN.
Cela est si rare que je ne m’en souviens quasi pas.
[19] Var. Pour venir faire.
[20] Var. Laissez-moi faire.
[21] Var. Ah ! vraiment, la coupe !
[22] Var. Je viens de voir.
[23] Var. Toutes vos précautions.
[24] Var. Sur terre.
[25] Var. Par le mouvement du cœur.
[26] Var. Échauffe la cervelle.
[27] Var. Conçoit.
[28] Var. D’où vient que mon père fuit ?
[29] Var. Je sens bien.
[30] Var. Les herbes.
[31] Var. Vous ne le voudriez pas, vous ?
[32] Var. Eh ! c’est.
[33] Var. Ces choses.
[34] Var. Aussi ignorant.
[35] Var. Que deviendrais-je ?
[36] Var. Vous deviendriez.
[37] Var. Voyez.
[38] Var. Point.
[39] Var. Je sommes.
[40] Var. Cent mille fois.
[41] Var. Je n’ai presque pas la force de parler.
[42] Var. Et puis ils se haussent.
[43] Les éditions modernes ajoutent ici :
LÉLIE.
Ce que j’en crois ?
LUCINDE.
Oui, qui nous sommes ?
[44] Var. Eh ! n’êtes-vous pas.
[45] Var. N’est-ce point moi ?
[46] Var. Mais je ne saurais vous dire.
[47] Il n’y a point de réponse à cette question dans les premières éditions ; les éditions modernes portent la réponse suivante :
LÉLIE.
Oh ! quantité ; mais je ne sais comment m’exprimer.
[48] Var. Eh ! que seriez-vous.
[49] Var. Ces deux carognes-là.
[50] Var. Qu’elles sont jolies !
[51] Var. Qu’a celle-ci.
[52] Var. Qu’a celle-là.
[53] Var. Les deux jolis petits bouchons que voilà !
[54] Var. Roule.
[55] Var. Si vous ne vous dépêchez.
[56] Var. Que vous demeuriez ici.
[57] Var. Attendez-moi, au moins, je reviendrai dans un moment.
[58] Var. Toute sa race avec lui.
[59] Var. Par la sanguoi ! je vais.
[60] Var. Eh ! bian, je ne lui dirai donc rien ; mais morgué, point de tricherie.
[61] Var. Et ne vous montrez plus, au moins.
[62] Les éditions modernes ajoutent : Sur quelle herbe a-t-il marché ?
[63] Var. Que j’ai entendu quelque chose de ce côté-là.
[64] Var. Courons-y, mon pauvre Bertrand ! ne me quitte pas.
[65] Var. Et je jurerais que ce sont des idées de femmes.
[66] Var. Eh ! ne vous est-il.
[67] Var. Ne dort point.
[68] Var. Ce qui est cause.
[69] Var. Il ne les connaîtra que pour les haïr mortellement.
[70] Var. Faire l’essai.
[71] Var. Et je bous lé soutiens.
[72] Var. Eh ! qu’est-ce ?
[73] Var. Est ça ?
[74] Var. Et je serais marri.
[75] Var. Ah ! messieurs.
[76] Var. Jé fais l’honneur.
[77] Les éditions modernes suppriment le mot monsieur en cet endroit.
[78] Var. Je vais vous l’apporter.
[79] Var. Je serais fâché.
[80] Var. Eh ! donc.
[81] Var. Ouais !
[82] Var. Oh ! l’on approche votre domaine de plus près que de la banlieue.
Après ces mots, les éditions modernes ajoutent :
M. TOBIE.
Je savais que ce n’était pas ma faute. Je n’ai garde de donner ma fille à votre fils : il n’en ferait qu’une vraie rien qui vaille.
PERRETTE.
Madame, à quelque chose le malheur est bon.
[83] Var. L’on lé trahit.
[84] Var. Jé suis rigide.
[85] Var. Comment faut-il donc faire abec ces diantres d’animaux-là ?
THIBAUT.
Morgué ! ça est embarrassant.
M. GRIFFON.
On s’en mordra les doigts. Sans adiu.
[86] Var. Parsangué !
[87] Var. Allait se répandre.
[88] Les éditions modernes ajoutent ici :
LUCINDE, à Perrette.
Je ne croyais pas que votre homme fût si avisé.
Cette addition est maladroite : votre homme n’appartient pas au langage de Lucinde ; et nous avons déjà fait remarquer qu’elle tutoie Perrette pendant toute la pièce.
[89] Var. Que votre maître ; je vous le cède.
[90] Var. Jarnigué !
[91] Var. Alle est ma femme ; et quand alle serait la femme d’un autre, alle ne me plairait pas davantage.
[92] Finfirmement signifie : très fermement. Il y a sincèrement, dans les éditions modernes.
[93] Tin telle, tout à fait telle.
[94] Var. Voilà comme je veux être, si je me marie ; mais je ne me marierai pas.
[95] Il y a si niaise dans les premières éditions, mais c’est sans doute une faute d’impression.
[96] Var. Emmène.
[97] Var. Ne l’a embrassé si fort.